La fille et l'oiseau

another-day

Petit parcours. Chacun est libre de lire ce qu'il veut. Le texte a pour moi plusieurs sens, et plusieurs interprétations possibles.

Elle tient l'oiseau dans sa main entrouverte, fermement. De peur qu'il s'échappe, ou qu'il ne s'échappe pas. Elle a un peu de sang sur l'autre main, qu'elle fait courir sur sa peau blafarde. Fille de la Lune, elle traverse les bruyères et les ajoncs sous la protection maternelle.
L'oiseau cogne contre ses phalanges.
Elle desserre un peu son emprise, entrouvre encore un peu les doigts ; peut-être manque-t-il d'air, ou en a-t-il un peu trop. Un peu, c'est déjà ça. Ca ne l'est pas encore tout à fait, mais on s'en approche.
La main ensanglantée déloge une fleur jaune accrochée à son omoplate. Le petit coeur ensoleillé de la fleur semble avoir abrité un insecte blessé, ou un morceau d'aube pas encore tout à fait résorbé.
L'oiseau cogne toujours, un peu plus fort à chaque pas.
Elle retire ses chaussures, les loge dans la main mutilée. On entend le bruit de feuilles et d'orteils qui craquent. De tout petits os brisés, des nervures froissées. Peut-être un cri d'oiseau, dans la main presque refermée. Elle n'en a cure, et poursuit son chemin incertain.
La fille sent alors quelque chose caresser son pied. Elle se penche pour cueillir l'objet : une plume rousse, ébouriffée, un peu rouge à l'extrémité. Elle pose les chaussures sur l'humus, fait rouler la plume entre ses doigts mortifiés.  Rêche et douce à la fois. Ca lui rappelle la serviette que lui tendait sa mère à la sortie du bain.
Elle s'assied sur le sol, une main bien fermée, et l'autre tenant la plume embrassée. Elle s'arrête un instant de respirer. Resserre son poing autour de l'oiseau.
L'oiseau cogne une dernière fois contre ses phalanges. Lorsque, à terme, elle ouvre la main qui l'abritait, elle contemple son petit squelette. Entièrement déplumé.
Elle se rappelle avoir cueilli un oiseau mort à la tombée du nid, il y a de cela des années.

  • C'est... Troublant. J'ai beau relire encore et encore, sans que cette impression ne parte.
    L'oiseau est une allégorie?
    ...Une personnification?

    C'est vraiment troublant...

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Stretched 264806

    noryx

    • Merci pour ton commentaire !
      Le paratexte laisse libre l'interprétation de chacun. La mienne consacre en effet l'oiseau en tant qu'allégorie du souvenir, et du deuil impossible. On croit l'oiseau vivant, on l'entend battre comme un coeur, mais il n'est plus depuis des années.

      · Il y a plus de 10 ans ·
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      another-day

    • Merci pour cette explication! J'arrive mieux à comprendre le texte, maintenant.
      J'avais plutôt tendance à croire que l'oiseau représentait le bonheur, mais ça beaucoup plus de sens avec une interprétation associé au deuil.

      · Il y a plus de 10 ans ·
      Stretched 264806

      noryx

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