another-day

Qui suis-je ?
Je suis celle qui figure sur la carte d'identité. Prénom, nom, sexe.
Je suis une image droite, une jeune fille aux cheveux clairs, à la peau livide, aux lèvres rouges. Je suis un visage neutre, froid, dont le regard est figé. La personne, derrière son appareil, peut dessiner du doigt les contours de ma silhouette filiforme. Sourire à mes sourires.
Je souris beaucoup. Je crois que l'on peut sauver le monde avec un sourire. Je ris très souvent. J'aime que l'on me croit naïve et un peu sotte ; c'est une méthode très douce pour revenir quelques années en arrière. A l'époque où une poignée de mots suffisaient à me faire fondre.
On me prête des qualités qui ne sont pas les miennes. Je suis vue comme quelqu'un d'avenant, de chaleureux. J'agis dans l'ombre ; je suis une très bonne menteuse. Mon masque est inflexible. Je crois que le premier mot qui vient aux lèvres lorsque l'on prononce mon prénom est un péché. On brosse mon portrait avec une roseur aux joues.
Les hommes savent qu'ils me plaisent ; je sais que je leur plais tout autant. Je ne suis pas quelqu'un de libidineux. Mais j'aime l'amour autant qu'un matin d'hiver, où je me rendormirais au beau milieu d'un rêve, blottie sous mes couvertures.
Je crois que le monde entier me sait rêveuse. Je ne suis pas vraiment attentive à ce qui se joue tout près de moi. Je vis dans une bulle, constamment ailleurs, au-delà du commun des mortels auquel je n'appartiens pas.
Je ne peux pas vieillir ; je crois en Dieu, j'aime mon prochain et je veille sur lui. Je ne cueille pas les fleurs dans le jardin de mes voisines. Je donne toujours au pauvre. Je suis la gentillesse, la douceur, la tolérance.
Je pleure beaucoup. Je suis la sensibilité même. Mes yeux s'embrument pour un oui, larmoient pour un non. Je suis crédule, je me berce souvent d'illusions. Ma poitrine se blesse en croyant reconnaître dans le battement d'une autre celui de son âme-soeur.