La fin du Monde est une boule de pétanque.

En 2077, le problème du parking automobile devint totalement ingérable et menaçant. Beaucoup trop de bagnoles, plus aucune place pour les garer. On allait vers la catastrophe quand...

Les scientifiques du Centre Mondial de Physique Quantique Opérationnelle découvrirent que les mondes parallèles existaient vraiment ! Juste séparés les uns des autres par une légère différence temporelle: quelques secondes, quelques minutes.

Et on en trouva un, distant de 2,6 secondes de notre Terre. Un immense espace, avec un sol en béton, un climat doux et une température stable (19°), atmosphère tout à fait respirable.

Hourrah ! Youpi ! Un Parking Parallèle (PP).

Vite fait, on arrangea le truc: Le système de téléportation fut simple à mettre en place,  les tarifs fixés à un prix très raisonnable: dix fois moins cher que sur notre planète. Et les humains, satisfaits, purent continuer à produire leur ferraille roulante avec ardeur, en croyant que ce PP était illimité.

Illimité ? Eh bien,  non !

Quand il fallut encore de la place pour garer toujours plus d'autos, les murs invisibles du parking se dilatèrent, se poussèrent vers l'extérieur. Or, il y avait, de l'autre côté du mur, un autre monde parallèle:

Une petite planète: Xylo, dont les habitants étaient, intellectuellement et scientifiquement, en avance sur nous d'au moins deux millénaires. Les Xyloniens étaient pacifiques, relax. Mais fallait pas les gonfler, c'est tout. Quand ils virent les limites de leur monde commencer à se rétrécir sous la poussée des murs du PP, ils furent d'abord étonnés, ensuite agacés, puis (comme l'intrusion continuait) pas contents du tout. Ils chargèrent leurs deux meilleurs agents de Sécurité: Tibidi et Tabada (un adorable petit couple d'amoureux, mais d'une redoutable efficacité dans le travail) d'aller vérifier ce qui se passait.

La réponse fut vite trouvée. Les deux enquêteurs l'expliquèrent devant le Grand Conseil Galactique:  La planète responsable, c'était la Terre, qui squattait sans permission le monde voisin de Xylo, pour y entreposer un gros tas de machines roulantes, et ça continuait sans qu'on puisse prévoir quand les Terriens allaient arrêter leurs conneries. Le Président du Grand Conseil demanda:  "ça fait quel volume, cette mocheté ?"

" Au moins neuf mille milliards de tonnes, en mesure terrienne, Vénérable Président. Et, par les Burnes de Saturne,  ça grossit à chaque instant !" affirma Tibidi.

"Oui, ça nous a déjà bouffé 10% de notre territoire, par le Clito de Xylo !" dit Tabada.

Les membres du Conseil délibérèrent sans tarder. Pas question d'attaquer la Terre, les Xyloniens étaient non-violents. Mais on pouvait fort bien se débarrasser de cette saloperie, ça c'était de la légitime défense.
La décision fut mise au vote. A l'unanimité, le Conseil décida de leur renvoyer leur ferraille en pleine tronche, aux Terriens, non mais ! Et  tout de suite.

Le Président ordonna: "Tibidi, Tabada, allez-y, nettoyez- nous tout le bazar."

"Oui, Vénérable Président" dirent en choeur les deux agents, qui sortirent de la salle du Conseil, se roulèrent un patin très chaud pour se mettre en forme, et filèrent au poste de commande de l'Astro-Poubelle.

"Il était temps !" dit Tabada en vérifiant les cadrans. "ça augmente encore. On y va, mon grand chéri !"

"Oui, ma belle amoureuse. Curseur un enclenché. A toi, coquine !"

"Curseur deux enclenché. Je t'aime, mon beau nettoyeur adoré !".

Toute la ferraille disparut dans un éclair bleu...

Et, 2,6 secondes plus tard, se rematérialisa d'un coup sur la Terre, qui fut instantanément enveloppée d'une épaisse couche d'acier, brillante, lisse et parfaitement ronde.

Une superbe boule de pétanque qui, imperturbable, continua de tourner autour du soleil, faisant l'admiration des Xyloniens et des autres peuples de la Galaxie. Bien entendu, des Terriens, il ne fut plus jamais question !

Souvent, de leur maison, Tibidi et Tabada contemplent le spectacle avec fierté. Puis ils font l'amour et Tabada chuchote tendrement à l'oreille de son Tibidi :

"Alors, petit cochonnet ! Tu tires, ou tu pointes ?".

                                 Edouard Huckendubler  (philosophe extraterrestre).