La haine dure trois ans

Louisa Slama

La haine dure trois ans. C'est pourtant depuis bien plus longtemps que je vous déteste. Peut-être s'est-elle, depuis, mué en tristesse comme une lente et morbide valse au fond de moi. Il faudrait des siècles pour effacer de la terre nos vils aspirations, nos violentes visions et nos amour poisseux. Il faudrait une poussière d'instant à l'univers pour nous ingurgiter puis, plus rien. Ma haine elle, imprimera le monde. Je crains qu'elle disparaisse, mais j'ai bien plus peur qu'elle me consume. Devenir comme vous. Me conformer, me résigner. Et pourtant.

Ma haine dure trois ans.

Ma haine dure trois jours.

Ma haine.

Ou l'agitation compulsive pour prouver que cela a du sens, une importance. Laisser une trace profonde, ouverte. Une cicatrice qui ne guérit jamais.

Ma haine comme compensation à mon incapacité à aimer. Je n'aime pas, ou alors dans la peur de perdre. Je ne me souviens pas. Dans une société où la mémoire est tellement importante, moi, je ne me souviens pas. De rien. Les évènements passent autour de moi, me heurtent, mais je ne me souviens pas.

Mes souvenirs durent trois ans.

Alors parfois j'écoute ma mère me raconter ces histoires, notre histoire.

Mes souvenirs ne durent pas.

J'ai l'impression d'être une boule tourbillonnante au fond de moi-même, que mon corps n'est pas mien. C'est un traitre. Il vit les situations que je ne vis pas. Il évolue sans moi, vieillit sans moi, mais ne peut mourir sans moi.

Mon corps ne dure pas.

Mais je pourrais vivre éternellement. J'évolue déjà dans mes brumes où le temps n'a pas d'emprise, où tout à comme une consistance visqueuse, où tout s'échappe mais ne revient jamais vraiment. Laissez-moi trainer dans les limbes pour le reste de l'infini.

 

 

 

La haine de soi.                                                                          
La haine de la solitude.

La haine des autres.                                                                
La haine des obligations.

La haine de l'humanité.                                                           
La haine de la colère.

La haine de la bassesse.                                                          
La colère.

Le dégout profond.                                                                  
Ma colère.

Le mépris qui tord le visage.

La haine de l'incapacité.

La haine de l'impuissance.

La haine du temps.

La haine des limites.

La haine.

Ma haine. 

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