La honte
alexandra-basset-9
La honte, la honte. Je suis recroquevillée, à l'intérieur comme à l'extérieur, paralysée par ce sentiment insidieux d'infamie, d'incapacité généralisée qui m'envahit de plus en plus, tel un cancer émotionnel. La honte, ce sentiment d'être misérable, inappropriée, en tout instant, avec n'importe qui et n'importe où. Elle est avec moi lorsque je me promène dans les rues de mon quartier, quand je salue quelqu'un, quand je suis avec des amis, quand je rédige ce texte. Elle me tient en otage, elle m'ôte la légitimité de dire, d'écrire, d'agir, de vivre : elle me retire le droit d'exister. Elle me fout la rage et me fait imploser. Elle me mène à l'autodestruction car pour le moment, seules certaines substances m'en libèrent, parfois, pour quelques heures, avant qu'elle ne rapplique, plus véhémente encore. La honte. Je voudrais disparaître, me dissoudre, me cacher, fondre dans l'espace comme un bonbon dans ta bouche ; je ne suis pas montrable, valable, ne me regardez pas car je suis au bord des larmes. En chacun de vous, et j'en suis désolée, se trouve une menace, un meurtre potentiel, vous avez le pouvoir de m'assassiner. Ou plutôt, je vous l'ai donné, et ça aussi, j'en ai honte. Alors, je vous méprise, je vous évite, ou je me tais. Chaque regard détourné ou suspicieux, chaque parole coupée, chaque phrase tombée dans l'indifférence est prise comme une preuve de plus de mon insignifiance. La honte fait de ma vie sociale, et personnelle, une tragédie invisible et indicible.
Bien plus destructrice et profonde que la culpabilité, elle ne concerne pas les actes que j'ai pu commettre, elle a à voir avec mon essence. Par essence, je suis inexistante. Je ne sais pas qui je suis, je ne le sais plus car la honte m'a tout pris, je n'ai plus d'identité, mais j'ai honte de la personne fade que je suis devenue, celle qui n'ose plus vivre parce qu'elle a honte. Et ça m'enterre. Peu importe ce que je fais pour me prouver le contraire, peu importent les réussites, les compliments, les marques d'affection rassurantes, elle est toujours là. C'est comme vouloir déguiser un fantôme en humain, il restera, malgré tout, un fantôme.
Je voudrais cesser d'errer en cet univers, je m'y sens à côté, comme un décalcomanie d'humain qu'on aurait arraché trop vite, il me manque des parties, mes couleurs s'effacent. Je ne suis jamais assez.
Et quoiqu'il en soit, j'ai honte d'appartenir à la race humaine, lorsque je vois des bouteilles en plastique flotter sur la majestueuse Amazone, lorsque je vois des cirques qui tournent encore, lorsque je vois des animaux renversés suffoquer aux bords des routes, lorsque je vois des gens dormir dans la rue en plein hiver, lorsque je vois des espèces s'éteindre. Alors, vivement l'extinction de l'espèce humaine, dont je ne suis que le reflet mis à nu.
Shut down.
Merci pour cette puissance, pour ces émotions.
· Il y a presque 5 ans ·"Je voudrais disparaître, me dissoudre, me cacher, fondre dans l'espace comme un bonbon dans ta bouche " Magnifique!
minuitxv
Un grand merci.
· Il y a presque 5 ans ·alexandra-basset-9
Wow voila un texte puissant qui décortique précisément un sentiment que beaucoup peuvent ressentir. Bravo à toi Alexandra
· Il y a presque 5 ans ·campaspe
Merci beaucoup
· Il y a presque 5 ans ·alexandra-basset-9
Encore quelques milliards d'années et tut redeviendra poussière...alors, pourquoi sans faire !
· Il y a presque 5 ans ·Lorsqu'on y pense, que sommes-nous dans cette immensité ??
Louve
Je ne m'en fais pas, je ressens c'est tout.
· Il y a presque 5 ans ·Mais oui nous ne sommes rien ça c'est sûr.
alexandra-basset-9
Désolée de n'avoir pas tout compris...
· Il y a presque 5 ans ·Louve
C'est moi qui suis désolée, je suis un peu à cran en ce moment et en fait, j'ai peut-être quelque chose à apprendre de ta façon de voir les choses...
· Il y a presque 5 ans ·alexandra-basset-9
Pas grave, ça m'apprendra !
· Il y a presque 5 ans ·Louve