La jeune femme et la mer
Dominique Taureau
Je suis la première femme à…L'idée s'était effilochée, la crainte superstitieuse avait flashé. Valait mieux ne pas penser à ce qu'elle espérait secrètement dans son cœur brûlant de ravissements ; encore moins l'exprimer par la parole : le doux murmure aurait fait fuir la providence. Non ne tentons pas ce diable de sort ! Cela pourrait indisposer le hasard, contrarier le destin et in fine me porter malchance, se persuada-t-elle. Soyons plus raisonnable ! Je suis la seule femme de la course encore en piste, se ravisa-t-elle placide, la prudence toute voile dehors.
Les autres concurrentes avaient abandonné. Elle, la petite belliloise, avait hissé sa voile et naviguer avec régularité et persévérance dans le sillage de ses ainées pour arriver à ce résultat-là. Un kaléidoscope de visages esquissa les sourires pétillants de Catherine, d'Isabelle, d'Ellen, de Simone, d'Anne et de Samantha[1]…
Et quel résultat ! Tenant la barre de son monocoque de soixante pieds qui filait par une jolie brise sur le frémissement moutonneux de l'océan atlantique, en cette soirée du mardi 31 janvier 2017 à une petite encablure de nuit de la ligne d'arrivée des Sables-d'Olonne, la jeune femme songeait à son incroyable parcours et à son extraordinaire chance.
Passionnée, envoutée, subjuguée par la mer, comment dire ? Née dedans…Oui ! Ah ça oui !...La vague d'écume salée et impétueuse ne l'avait jamais quittée. Un poisson dans l'eau dans une famille de marins pêcheurs. « - De l'énergie marine à revendre ; un vrai courant d'air marin ! » expliquait sa mère à la criée. L'adolescente avait su très tôt que la mer et les bateaux seraient son univers de prédilection, comme une musique intérieure, une conviction intime. Mon rêve ! À sept ans elle cassait les pieds à ses parents pour embarquer dans le chalutier familial : « - Je veux voir la mer là-bas et les poissons aussi ! ».
Ce qu'en gamine intrépide elle avait pêché dans l'océan de la littérature. Une évasion exaltée et curieuse. Son désir intenable s'était arrangé avec la réalité. Il fallait la voir ma chambre ! Un musée ; sa jolie chambre collectionnait tout ce qu'elle avait pu rapporter dans ses rets, vivant capturé et mort séché : « - La chambre de ma fille c'est l'océan en miniature » blaguait son père avec fierté, en pensant aux trois aquariums, au filet de pêche, au hamac, à l'ancre…Merci papa !
Puis très jeune, l'école de la voile où elle avait montré d'indéniables talents, découvert un don inouï et surtout éprouvé un plaisir immense : « - Mon bonheur c'est d'être sur la mer, de la sentir, de la toucher, de la voir, de lui parler ». Bref une joie ! Dans son cœur pur beurre élevé aux embruns de Quiberon, la mer lui était apparue une énigme vivante à la fois familière et étrangère : une voie à déchiffrer, une vibration à ressentir, une aspiration à suivre. L'appel du grand large avait été le plus fort…Plus fort que tout !
La haute compétition était arrivée par hasard : une conséquence purement inéluctable. Mais non pas exclusivement une raison de vivre ! Gagner si possible mais pas un objectif à en devenir malade, pas une obsession professionnelle. Plutôt naviguer comme un besoin vital ! Son aventure de skipper concurrente s'était tracée simple et naturelle telle une trajectoire de vie harmonieuse.
Néanmoins elle s'était battue contre toutes les adversités ; à commencer par sa famille qui tenait à ce qu'elle exerce comme professeur de peinture après l'obtention de son diplôme supérieur d'art plastique. Devant la décision inébranlable de sa fille, sa mère l'avait baptisée d'une phrase : comme une âme d'oiseau de mer, ma naviguartrice légère dans la tempête est chez elle sur l'abîme…Naviguartrice, ce mot lui plaisait bien. Ah maman !...
La jeune femme voulut revenir à sa manœuvre ; mais elle ne put s'empêcher de repenser à ce moment jubilatoire gravé et ciselé dans sa mémoire : un moment d'extase inouï, la sensation d'un extraordinaire instant d'émotion. En cette fin d'après-midi elle avait aperçu de grands dauphins à bâbord : « - Hisse et ho les amis ! Allez porter la bonne nouvelle.» Ce cri si longtemps compressé avait déclenché l'immense émotion. Un merveilleux instant de grâce.
Elle n'avait jamais osé songer à cette victoire qui se profilait. Trop concentrée sur les transats Jacques Fabre et AG2R, la route du Rhum où elle avait accédé à des places honorables ; trop persuadée que les skippers masculins allaient encore la gagner cette fabuleuse course qui s'ancre dans la légende de la mer : succéder à Titouan, Alain, Christophe, Michel le professeur, Vincent le terrible et François le petit Mozart de la voile[2] avait été une idée impensable. Finir la course sans casse, sans perte de quille, sans trou dans la coque, était son objectif affiché ; secrètement bien sûr espérer au final une place honorable.
Mais ce succès sur l'Everest de la mer ! Oh oui terriblement excitant et troublant !...
Un exploit d'autant plus remarquable que les pronostics supputaient que le record de 78 jours, 2 heures, 16 minutes et 40 secondes serait battu au moins de 6 heures. Rendez-vous compte : 6 heures au moins, 6 heures de mieux, non en moins, non en plus...Ah zut ! Après tout elle s'en fichait…Ce n'était pas la gloriole de la performance qui la troublait. Bah pas d'obsession et aucune vanité narcissique de ce côté-là !
Ce qui l'avait fasciné avait été cet instant étonnant de bien-être si puissant qu'elle avait ressenti dans ce cri en cette fin d'après-midi : elle avait joui de sa solitude de gagnante au rebord du soleil rouge gelé rayonnant au raz de l'horizon marin. Quelle impression marine saisissante !
Elle avait compris cet éclat pourpre glacé si intense du bonheur : une récompense et non un but.
Ressentir et savourer l'étonnante béatitude du vainqueur, seule dans ce décor somptueux. La mer lui avait fait la fête, lui ornant cet instant de gloire solitaire dans une parure merveilleuse de sa nature : une sereine tranquillité souriante, incarnate, apaisée et radieuse dans l'éternité de son mouvement oscillatoire.
Quel ravissement infini avant de s'enfoncer dans la dernière nuit froide et puis de plonger au petit matin dans le grand bain médiatique. Un autre grand cirque de la nature mais cette fois humain l'attendait de pied ferme.
Mais si cette nuit elle avait un problème ! L'Atlantique est si pollué ! Oh non pas question de relâcher ta vigilance ! Attention à ne pas te laisser griser ; à tout prix garder du recul ! Plus aucune prise de risque, il faut assurer la fin tranquillement. D'ailleurs, personne ne comprendrait ! Ma p'tite, tu dois conserver l'œil ouvert, la tête froide et tout ira bien, se convainquit-elle, en revissant le bonnet bleu délavé sur sa queue de cheval brune.
Elle remercia sa bonne étoile pour son combat victorieux contre son Énnamie. Mot trouvé dans son deuil : la mer démontée lui avait englouti son amoureux et son frère partis s'entrainer après un succès trop arrosé et un pari stupide. Idiots ! Pourtant des navigateurs chevronnés. Mais quels insensés ! Ah les têtes brulées ! L'orgueil incongru, l'abus d'alcool et la mer en furie ne font pas bon ménage...
Son orgueil à elle ne venait pas du fait d'avoir battu les hommes mais d'avoir vaincu une si grandiose puissance de vie et de mort. Il s'en était fallu d'un roulis qu'elle ne chavire au Cap Horn ; pas le temps de contempler la Terre de Feu : un fort coup de vent de l'été austral avec des vagues scélérates avait bien failli la surprendre. L'Énnamie est vicieuse malgré sa générosité, sa beauté et son attirance perverse de sirène.
Deux skippers n'avaient pas eu la même veine : l'un chaviré et l'autre démâté sans pouvoir se réparer ; sans assistance car le règlement l'interdit, ils avaient dû se résigner à abandonner, sains et saufs. Ouf pour eux ! C'est le destin des marins : la providence ou la fatalité des eaux. Mais qu'avaient-ils éprouvé ? La mort dans l'âme, une maudite tempête sous le crâne : une rage d'écume blanche, une lame verte d'amertume, une rafale rouge de culpabilité, des embruns noirs de doutes et un immonde iceberg violet de souffrance à la dérive.
Meurtrie par le même sort du naufrage, elle se rappelait cette ivre douleur tourbillonnante et aveuglante. Mais une fois la tourmente des émotions en cale sèche derrière elle, elle avait reconnu humblement : « - C'est la capitaine qui n'a pas été à la hauteur ». Bien qu'aguerrie, elle n'avait pas su déchiffrer assez la mer, l'écouter plus, la contempler mieux, la mesurer sans cesse, la comprendre d'instinct et la ressentir vraiment. Parce qu'elle lui résistait en permanence, la mer lui en avait appris plus long sur elle-même que tous les livres ; elle l'avait surtout forcé à repousser ses propres limites. Ah le mystère fabuleux du dépassement de soi ! Une sublime pulsion de vie avec son sournois et attirant risque de mort à l'affût. Là où il n'y a plus de bornes, il n'y a plus de limites...Un défi d'équilibre de tous les instants !
Par petites gorgées, elle but le café brûlant qu'elle s'était préparé avec le dernier morceau de sucre. Sous la pleine lune argentée dans le ciel noir encre étoilé par la voie lactée, le chariot de la grande ourse scintillait en la froidure hivernale océane. Depuis longtemps, elle avait allumé les feux du voilier qui poursuivait à quinze nœuds sa route vers la terre des hommes : « - Voile de nuit » chuchota-t-elle.
Arriver ! Mais avant d'arriver, elle s'occupera d'elle-même. Un brin de toilette aux dernières bouteilles d'eau ; brossage des dents ; gant de toilette pour chasser le sel…Ah la pensée du réconfort d'une bonne douche chaude ! Le challenge a été de sécher l'humidité permanente : c'est que le bateau trop souvent incliné de vingt-cinq degré a passé quatre-vingt pour cent du temps balayé par des paquets de mer. Elle démêlera sa chevelure avec la brosse. Exit la queue de cheval ! Vive la liberté retrouvée de ses longs cheveux au souffle des vents sous un nouveau et propre bonnet bleu fétiche. Elle s'offrira la coquetterie promise pour son arrivée, avant son départ quel que soit sa place : un peu de fond de teint, un léger rouge sur les lèvres et le parfum JARDINS SECRETS dans le cou...Un peu d'élégance féminine dans ce monde de brutes ! Ce que certains marins, railleurs sur les bords, appellent par moquerie le chichi féminin. « - Oui j'assume être une femme et un skipper de surcroît. Je me dois d'être présentable à l'image et sentir bon » se dit-elle tout à coup, ressentant la surprise de s'exprimer avec autant d'assurance.
Car vers cinq heures ce sera le comité d'accueil...Et puis Loïck et Sylvie !
Monsieur Multicoque ! Il sera fier de son élève…Hum ! Hum ! Ils seront bien difficiles à voir les sentiments du maître Loïck. Avec un sourire énigmatique au coin des lèvres, il la félicitera selon l'usage. Il participera à la fête comme tout le monde ; l'instant d'un éclair, il la regardera sans doute avec une admiration non feinte. Il taira ses pensées de manager, commentera en pur technicien l'exploit et attendra que les effets sur un petit nuage se dissipent avant de vouloir remettre…L'ouvrage sur le métier ? Hum ! Hum ! S'entrainer encore sous ses conseils. L'expérience de chacun est le trésor de tous…Mais…
Croire à la nécessaire solidité de la chaîne des compétences liées entre elles vers un même objectif, c'est l'idéal théorique, ce qu'organisent les mêmes intérêts ; cet esprit d'équipe, c'est toujours avant le résultat final, pendant la préparation et durant l'épreuve. C'est utile ce concept, indispensable quand on n'a rien gagné…Mais après la victoire ? Après un succès solitaire aussi formidable ? Hum c'est certain, rien ne sera plus comme avant malgré tout ! Lui aussi sans aucun doute le sait : la victoire consacre et diffuse le poison auquel il faut faire face…Oui ! Et après ? On verra bien. Son Loïck, elle l'avait baptisé le sphinx ; rapport à la sculpture du récif marin qui trône, roc isolé façonné par les vagues, au centre de la plage de Donnant sur Belle-Île-en-Mer…
Hum ! Peut-être que mon mentor sera-t-il un peu envieux ? Lui la légende qui a gagné tant de courses, de trophées, de victoires. C'est que l'amitié peut virer de bord vers une concurrence impitoyable et des rancunes tenaces. Elle connaissait la fameuse histoire d'Alain et d'Éric[3], tous les deux disparus en mer : le premier en 1978 à bord de Manureva et le second en 1998 alors qu'il convoyait en équipage Pen Duick. Ils avaient été d'abord amis, coéquipiers et collaborateurs, puis ensuite ennemis, rivaux et antagonistes. La mer avait fini par les avoir tous les deux…C'est bien la mer qui prend l'homme.
Oh quant à ma Sylvie ! L'audacieuse, celle qui a eu le toupet de sponsoriser l'aventure avec six amies, sera comblée : mission réussie. Son entreprise LVL, LA VOIE LACTÉE, va accroitre sa notoriété internationale. Sylvie et moi-même pourrons témoigner au Women's forum. Dans les informations radio que j'ai reçues, la candidate à la présidence de la république en tête des sondages sera présente à mon arrivée. Pourquoi pas après tout ! Peut-être une année 2017 favorable aux femmes pensa-t-elle.
Cette Sylvie d'affaire doit se louer d'avoir poursuivi son intuition : les vents ont soufflé dans les voiles LVL sans machisme, sexisme et misogynie en poussant la jeune skipper, la chanceuse, à se transcender dans l'efficience et la performance face aux nombreux périls monstrueux de la mer.
Désormais LVL scintillera au firmament des entreprises. La jeune femme pensa à tous les mets LVL consommés pendant son tour du monde à la voile en solitaire. À en être dégouté ? Étonnamment pas du tout ! Elles s'étaient concertées sur les gratins, ayant mis trois années à les concevoir : des recettes équilibrées couvrant toutes les dépenses énergétiques de cette épreuve, apportant les vitamines et les minéraux nécessaires et indispensables ; du fait sur mesure présenté dans un récipient écologique et recyclable. Si tout le monde pouvait faire l'effort de revenir à des valeurs du bon produit fait main !...Tiens l'autre surnom attribué à Sylvie : la reine du Gratin ! Ne lui avait-elle pas écrit sur la carte de vœux du nouvel an 2015 : de l'astronomie à la gastronomie il n'y a qu'un G, le G du Vendée Globe.
La jeune femme s'étira de tout son long et se sentit lasse tout à coup, vraiment épuisée. Menant la course dès le départ, un stress violent s'était emparé d'elle : la crainte de commettre une erreur à cause de la pression des poursuivants. Elle avait su rapidement l'atténuer, puis s'en défaire, exécutant strictement son plan de sommeil : deux heures dans la cabine de quatre mètre carré, trois fois par jour au début de chaque tranche de huit heures. Sauf pendant les seize premières heures qui avaient été cruciales et si déterminantes…
Il faut demeurer lucide coûte que coûte jusqu'à la ligne d'arrivée !
Elle repensa à ses amies sponsors pour la demi-heure de détente par jour…La récréation ! Sous le pilotage de Loïck elles s'étaient relayées à l'autre bout du micro pour la soutenir moralement, lui donner des nouvelles avec fantaisie et ironie, lui faire aussi découvrir des invités inattendus. Sans mentir, pas une journée sans une surprise ! Et ce moment insolite extraordinaire qu'elle avait passé avec Anne, une très jeune pianiste virtuose. Au milieu de nulle part sur l'océan, j'avais eu droit en direct à une interprétation d'un Reflets dans l'eau de Debussy. Et cet autre moment hilarant à souhait avec Virginie, une pilote de la patrouille de France qui lui avait promis un baptême de l'air contre un baptême de mer. Et cette jeune avocate Fatima drôle et spirituelle. Et sa mère qui l'avait fait craquer…« - Merci à cette chaîne féminine de solidarité. » s'exclama-t-elle. Oh oui, heureusement qu'elles étaient là ! Que des superlatifs pour mes amies ! Toute seule on est rien !
Devant l'Énnamie, l'exigence de rester solidaire et clairvoyante est un impératif essentiel pour entretenir et cultiver le discernement. Surtout naviguer sans aucune dette de sommeil afin de déjouer les pièges de l'océan atlantique, des mers du sud, de l'océan indien et de l'océan pacifique. Seule la voile LVL déployée en tête de la course du début jusqu'à la fin ; seule la jeune femme avec sa vigilance sans faille et sa volonté perspicace à la barre face à l'Ennamie ; avec beaucoup de chance, seul son bateau avait été pointé premier en laissant sur bâbord le cap de Bonne-Espérance, le cap Leeuwin et le cap Horn.
Arriver enfin ! Si proche de l'arrivée, anéantie d'épuisement, la jeune femme percevait bizarrement l'aspiration jouissive à se laisser couler dans l'abandon de la lutte. Se laisser conduire sans plus réagir, se détendre, lâcher prise, renoncer. Sous le coup de cette émotion d'horreur exquise, elle osa le péril du mirage ensorceleur : elle ferma les yeux telle une somnambule de la mer à la dérive. Après un instant de vide interne, elle prononça calmement et distinctement.
« - La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots
Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l'œil niais des falots ! »
Elle se laissa aller à l'enivrement de sa pensée par ce songe illimité de l'infinitude. Son être harassé de fatigues flotta indifférent au temps humain, incapable de raisonnement, estompant la résonance familière du bruit de la navigation…S'oublier, se diluer, se dissoudre, se fondre, se laisser aller…Surgirent par enchantement des paysages de mer. « Impression soleil levant » fut une féérie. « Vue de mer par temps calme » arriva comme une merveille. « La Vague verte, La Vague et La Vague » défilèrent doucement tels des ravissements. « Pêcheurs en mer et Tempête de neige » s'avancèrent magnifiquement. L'envoûtement pervers d'un violent désir de vertige ardent et fascinant s'insinuait, prenait possession quand subitement survint « Le Radeau de la Méduse[4] ».
« - L'instant est l'éternité » s'écria-t-elle tout à coup, se levant d'un bloc rouvrant les yeux. Elle éprouva la nette impression de reprendre pied dans sa finitude, ressentant à nouveau le martèlement de son cher bateau et les douleurs lancinantes de son épuisement. Non ! Halte là ! Stop à l'anéantissement de tant d'efforts ! Debout à la barre du monocoque Open, elle entonna : « - La mer qu'on voit danser le long des golfes[5] »...Elle hésita : « - Le long, le long, long des golfes pas très clairs[6] ». Un fou rire la submergea. Après la digestion de son triomphe, elle se remettra au vert et surtout au vent : « - E kreiz en avel atao »[7] s'écria-t-elle heureuse.
La jeune femme se jura de ne jamais oublier le parcours qui l'avait conduit à ce succès et son humour qu'elle surnommait la musculation de sa lucidité. Bientôt le sacre ma petite ! Elle en frémit ; elle saura humblement déguster ce plaisir : « - Mille millions de mille sabords, de l'optimisme quoi ! Ce n'est pas la mer à boire ! »
[1] Skippers féminins du Vendée Globe : Catherine Chabaud. Isabelle Autissier. Ellen MacArthur. Simone Bianchetti. Anne Liardet. Samantha Davies.
[2] Vainqueurs du Vendée Globe : Titouan Lamazou, 1989-1990. Alain Gautier, 1992-1993. Christophe Auguin, 1996-1997. Michel Desjoyeaux, 2000-2001 et 2008-2009. Vincent Riou, 2004-2005. François Gabard, 2012-2013.
[3] Alain Colas : né le 16 septembre 1953, disparu en mer le 16 novembre 1978.
Éric Tabarly : né le 24 juillet 1931 et disparu en mer le 13 juin 1998.
[4] Toiles : Impression soleil levant, Claude Monet. Vue de mer, temps calme, Edouard Manet. La Vague verte, Claude Monet. La Vague, Batsushika Hokusai. La Vague, Gustave Courbet. Pêcheurs en mer et tempête de neige, William Turner. Le Radeau de la Méduse, Théodore Géricault.
[5] Paroles de La Mer (1946) : Charles Trenet (1913 – 2001) :
[6] Paroles de Gaby Oh Gaby : d'Alain Bashung (1947-2009)
[7] E kreiz en avel atao : au milieu du vent toujours (devise bretonne)