La jolie Dame et le chocolat viennois (chapitre deux).

"Orthographe ? Vous êtes l'Orthographe ? Et je peux vous appeler Ortho ?"

Les yeux verts papillonnent.  "Oui, je viens de vous le dire. Vous faites un drôle d'amoureux, un peu gauche, mais j'adore !  Je sais, je l'ai su dès que je vous ai lu, que vous êtes amoureux de moi: Pour chaque ligne que vous écrivez, pour chacun de vos mots, vous relisez, attentif, afin d'éviter une faute qui m'attristerait. Et chacune de vos relectures est une caresse pour moi. Quand vous corrigez un mot dans lequel une vilaine erreur s'était tapie, alors là ! Oooh, grand fou, ces corrections me font un effet... J'en frémis à chaque fois, jusqu'à souhaiter que vous vous trompiez..."

"Pour que je corrige encore !"

Elle a un doux soupir de tendre sensualité, chuchote: "Oui."

Je suis touché de l'intérêt qu'elle prend à mes écrits et j'ose lui demander ce qu'elle pense de mes textes, poèmes, et autres.

"Ce que j'en pense ?"

"Oui, sur le Fond, sur le sens de ce que je cherche à exprimer."

Tout soudain, elle comprend ma question et semble surprise, grands yeux (verts) écarquillés:  "Mais rien, Edouard (comme elle le dit bien, mon prénom !), je n'en pense rien. Je ne veille que sur la Forme, la façon dont les mots sont écrits. Pour le Fond, c'est votre affaire et celle de votre Muse. Au fait, je la connais bien, votre Muse. Nous sommes très amies."

Elle rougit un peu, bat des cils et précise: "Très très amies."

Bien, tout cela semble s'éclaircir.  Je viens d'apprendre que le sens de mes textes, peu lui chaut, pourvu que les mots et la syntaxe soient bien respectés. Et paf ! Un bon camouflet à mon (modeste) égo. Tant mieux. Et je sais maintenant que ma Muse n'a rien à refuser à la rousse Ortho. Voilà qui peut m'être utile.

La serveuse pose sur la table nos chocolats viennois et leur escorte de nombreux petits macarons. Avant de s'éloigner, elle contemple la dame et demande timidement:  "Vous étiez à l'autre table, tout à l'heure."

Ortho lui rend son regard et affirme: "Je pourrais être auprès de vous, aussi ! Pour cela, il suffit que vous m'écriviez en soignant vos mots. Pas besoin d'adresse. Ecrivez,  je recevrai."

La serveuse s'en va, rêveuse, légère. Je demande: "Vous la connaissez ?"

"Oui. Elle ne le sait pas. Ce qu'elle écrit, ce sont de bizarres poèmes, et elle a drôlement besoin de mes conseils, surtout les accords et les pluriels. Je crois..."

Elle me jette un coup d'oeil hypocrite.

"Je crois que je vais lui rendre visite. Après son service. Vous n'êtes pas jaloux, hein ! Savez-vous, Edouard (Oh ouiii, encore) qu'il y a pléthore de gens qui écrivent "jalous" !  Sans vergogne !"

Téméraire, je lui fais remarquer que "jalous" ou "jaloux", cela se discute. Ses yeux deviennent orage et typhon. Elle gronde: "Mes décisions sont sans appel. "Jaloux". Compris !"  La colère lui sied, ma libido plane... Pour regagner ses bonnes grâces, je lui révèle que j'ai relu le chapitre un de notre rencontre. Là, elle rougit vraiment: "Je sais, libertin ! C'était délicieux. Je t'ai dit que les relectures me font frissonner."

Maintenant, elle me tutoie, nous sommes sur le bon chemin.  "Ortho, j'ai des questions ! Venez, sautons, à pieds joints, dans le chapitre trois." Subjuguée, elle me suit.

Lectrices, lecteurs, sautez avec nous, direction: le chapitre trois. Emportez vos chocolats viennois !

                                             Edouard Huckendubler  (apprenti séducteur)