La jolie Dame et le chocolat viennois (chapitre trois).
astrov
Nous atterrissons en douceur dans le chapitre trois, sans renverser une goutte de chocolat. Elle m'envisage, paisible, attendant mes questions.
"Ortho... Puis-je vous tutoyer ?"
"Ce n'est pas utile, Edouard, Et je suis certaine qu'en fait tu ne le souhaites pas."
Si intuitive... Elle me tutoie, mais gardons la distance. Pour marquer cet accord (j'allais écrire: accord mutuel, mais elle me reprocherait encore un quasi-pléonasme), nous buvons une longue gorgée de chocolat velours, croquons trois macarons Je lance alors la question qui pourrait provoquer son ire:
"Depuis plusieurs années, les mots, les accords, les conjugaisons (ah oui, les conjugaisons, quelles turpitudes elles endurent !) sont victimes d' un traitement indigne, de fautes innombrables, il y a un total irrespect de la langue française. En souffrez-vous, Ortho, qui êtes la Gardienne des Mots ?"
Dire qu'elle attendait cette question relève de l'euphémisme. Et mon inquiétude, mon angoisse de la savoir en peine, cela la touche beaucoup. Fantasmatique, surnaturelle, mais Femme !
"Tu te fais du souci pour moi, mais n'aie crainte ! Car je suis au service des Mots. Pas des gens. Si des balourds, des barbares, multiplient fautes et bêtises dans la Forme de ce qu'ils écrivent, je n'en ai strictement rien à faire, gentil Edouard (délice...). Je veille sur les amoureux et amoureuses du beau français, ils et elles m'attirent et je viens les aider."
"Comme pour moi ?" dis-je avec l'envie de rassurer mon de plus en plus modeste égo.
Elle me prend les mains, pose ses lèvres sur le bout de mes doigts et murmure: " Toi, c'est bien autre chose, nous sommes au-delà des mots."
"Ortho, autre sujet d'inquiétude: Il y a eu, ces dernières années, des tentatives de réformer notre langue pour, soi-disant, la simplifier. Avec des décrets, des commissions, des ministres intellectuels qui s'excitent sur les cédilles, les accents, les genres !"
Alors là, ma rousse compagne rit de bon coeur: "Ah, votre Education Nationale qui veut tout règlementer. Trop comiques, ces experts autoproclamés. Non. La Langue crée très bien toute seule ses évolutions et s'adapte en souplesse. Je me gausse de tous ces pseudo- réformateurs. Sois en paix, je suis solide, guerrière pacifique du Beau Français. "
Ayant dit, elle m'attire vers elle et m'embrasse somptueusement.
J'ai le coeur et le corps en fête. Autour de nous personne ne remarque notre romance. Sauf la serveuse, qui nous contemple avec une émouvante convoitise.
La Dame rousse l'a bien observée. Après notre baiser, nous goûtons quelques instants de silence essoufflé, puis quelques délicates gorgées de chocolat.
Et elle propose avec douceur: "Toi et moi ! Veux-tu être mon envoyé, mon légat, mon ambassadeur ?"
Trop ému pour parler, j'approuve des yeux, de tout le visage.
"C'est bien. Je vais te confier ta première mission. La ravissante serveuse qui nous admire tous deux. Elle mérite qu'on prenne soin de ses poèmes et plus si affinités. Plutôt que d'aller la voir moi-même, je te la confie."
"Mission acceptée, Ortho !"
Elle finit son chocolat, croque deux macarons et se lève. "A très bientôt, Edouard, mon amoureux ambassadeur. Tu me feras un rapport détaillé. N'oublie pas de le relire plusieurs fois. Je saurai te récompenser !"
Un geste de ses mains, et apparait un joli billet tout neuf, ainsi qu'une superbe pièce d'or. "J'ai dit que tu es mon invité. Le billet pour le chocolat, la pièce d'or pour tes premiers frais de mission !" Un sourire exquis, et elle disparait dans une lumière bleue.
Je glisse la pièce dans ma poche et appelle d'un geste la serveuse qui n'attendait que cela pour courir vers moi.
J'ai toujours eu l'âme d'un pédagogue.
Non, le "t" était dû à votre à votre émoi sans aucun doute. Le désir d'orthographe m'a torturé toute ma vie et continue sournoisement ; après plus de cent lectures j'en ai retrouvé une, faute, dans un de mes textes : turquoise avec un "s". Quelle plaie. ! J'ai beaucoup aimé votre rêverie, c'est très agréable de trouver de la beauté et de la sensualité à Ortho, une belle rousse gourmande, futée et raisonnable, je la voyais plutôt comme une maîtresse SM hideuse, baraquée, vicieuse et cruelle. Vous m'avez fait du bien.
· Il y a plus de 5 ans ·Eaven Is Back
Alors, bien heureux je suis ! L'orthographe est la santé de la langue. Vous évoquez le SM: Dans mon dossier "coquines poésies", j'ai titillé ce sujet avec un poème intitulé: "Désir, badinage, et SM".
· Il y a plus de 5 ans ·Mes amitiés à votre Muse !
astrov
C'est ce qu'on appelle un coup de foudre .( heureusement que m'a langue n'a pas fourché sur foudre , ortho ne me l'aurait pas pardonné)peut-être une suite avec la serveuse ? Bravo Astrov belle imagination
· Il y a presque 6 ans ·lamounedenullepart
Merci ! Tiens, le risque de dérapage sur "foudre", j'aime bien !
· Il y a presque 6 ans ·astrov
Superbe, j'adore. Bravo.
· Il y a presque 6 ans ·Lady Etaine Eire
Reprenez encore du chocolat viennois ! Il semble que, pour situer l'origine du mot "chocolat", les linguistes sont un peu perdus ! Provenance aztèque, sans doute.
· Il y a presque 6 ans ·astrov