LA LAME DANS LA PEAU.

Adelphine

Je crois qu'il n'est plus nécessaire de pleurer. Il n'est pas utile de se plaindre. Ta douleur ne compte pas. Elle ne sera plus entendue. Elle deviendra indifférente, et confondue à celle des autres, parce ce que comme il se doit, les gens continuent de vivre ce qu'ils ont commencé. Ils continuent le cour de leur vie, et se préoccupent de leurs soucis, de leur propre douleur. Il n'est plus nécessaire, de faire parler de cette blessure, de cette entaille, si profonde qu'elle fait encore mal. Tu le sais, personne ne la guérira. Personne ne pourra recoudre, là où la vie s'est déchirée.

Il y a bien trop de culpabilité, quand tu parles. Il y a bien trop de regrets. Et autour de toi, trop de bouches, qui répètent. Trop d'oreilles malignes devraient être sourdes. Alors c'est bouche close, regard vide, paroi, impassibilité. Pourquoi pleurer cette douleur ? Pourquoi ? Puisque qu'elle ne rentrerait même pas dans l'estime d'une banale souffrance. Puisqu'elle ne serait pas prise en compte. Juste transparente.

Je te vois lever la tête, penser à ces jours, qui sont si sombres. Qui sont contraints à ton bonheur. J'aurais voulu te rendre heureuse. Te rendre ce que le temps t'a prit. J'aurai voulu être ce petit ange, qui puisse veiller sur toi, et te dire que tout finira par s'arranger. Que j'ai vu la paix dans un avenir proche. Que l'avenir est certain. Mais ça n'est pas le cas. J'ai vu ce visage impénétrable aux méfaits. J'ai vu cette lueur d'espoir s'éteindre. J'ai vu la guerre sur ton corps. Ton corps tatoué de douleurs. A l'encre indélébile. Ces marques qui te rappellent, ce que tu voudrais oublier. Parce-ce que, à quoi cela sert-il, de se rappeler d'un poignard dans le dos, qui fait encore mal ? Pourquoi s'en rappeler, alors qu'en oubliant, on le sent à peine ?

J'ai beau te retenir de mon bras, je vois bien qu'il est trop menu, trop faible pour te démontrer que tu as tort. Que tu as tort de ne pas déterrer ta tête de cette terre trop noire. Je sais que tu ne te confies plus qu'au mutisme, et que seul le silence te répond. Je sais que tu regardes cents fois les mêmes films, tout ça parce que tu connais la fin.

Mais je sais que peu importe, le souvenir qui ronge, le souvenir qui hante, celui qui abîme au plus profond de soi, malgré lui, il ne faut pas le laisser te détruire. Ni laisser tout ça ravager, et le souvenir te ronger. Ne te laisse pas bouffer par la nostalgie, le manque, parce que l'on ne peut pas oublier. Je crois qu'au bout d'un moment, après l'attachement, il arrive que l'on ne peut changer le disque, que l'on ne peut changer la disquette, même si ce n'était que la dernière fois. Crois moi, je le sais, même si ça anéantit parfois de se dire que rien ne sera plus jamais comme avant, que rien ne pourrait valoir ce qui nous précède dorénavant. Ne laisse pas le souvenir s'abattre sur ce qu'il en reste, sur vos dernières photos, vos derniers éclats. Car c'est ce qu'il restera de plus définitif. Les photos.

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