La lettre

reverrance


Un jour elle lui avait écrit. Après des mois de silence, elle retirait le fil distendu entre eux. Il lui fallait poser des mots sur ce temps de l'absence qui s'éternisait. Lui dire qu'il lui manquait encore, malgré tout, malgré elle. 

Malgré elle, cet amour-là qui n'en finissait pas de vivre la retenait dans ses filets, l'emprisonnait. Elle avait continué le chemin mais lestée de ce poids qui entravait sa vie, qui la condamnait dans cette errance du souvenir. 

Bien sur, elle n'avait pas apposé ces mots-là. Elle ne voulait pas de cette pesanteur qui suintait de tout son être. Elle avait simplement voulu lui dire qu'il lui manquait. Son silence l'avait blessé plus encore que leur séparation. Elle aurait aimé avoir de ses nouvelles. L'idée qu'il disparaisse un jour sans qu'elle le sache la remplissait toujours autant d'effroi. 

Elle avait mis des jours à ne plus rien attendre, à ne plus espérer qu'il lui écrive un simple mot. Il l'avait reléguée aux oubliettes de sa mémoire. Peut-être était-ce pour qu'elle l'oublie plus rapidement ou par lassitude ? Elle n'arrivait plus à se convaincre qu'il avait un temps tenu à elle. Il l'avait tenu, cela oui. Mais cela valait si peu de choses à ses yeux à lui, même s'il était question de bliss. 

Les mots coulaient et traçaient des rigoles le long de ses joues. Il lui fallait extirper cette douleur, tailler dans le vif pour pouvoir enfin recoudre son chemin de vie. Suturer les regrets. Et puis cautériser les mots pour les rendre plaisants. Il ne lui avait jamais promis plus que ce qu'ils avaient partagé. Elle ne pouvait lui en vouloir du fait qu'il était devenu prioritaire dans sa vie alors qu'il ne voulait être qu'optionnel. 

Elle ne pouvait lui reprocher de l'avoir aimé éperdument, passionnément même si lui l'aimait bien seulement. Elle ne voulait pas par ces mots lui faire mal. Simplement, par ce biais, essayer de mettre un point à cette histoire. Paradoxalement en lui disant qu'il lui manquait, ce qu'elle s'était refusée à faire pendant tous ces mois, en lui disant son manque de lui, elle pouvait enfin l'abandonner, le laisser seul au bord de son histoire à lui. Et s'autoriser enfin à prendre du plaisir ailleurs, et peut être si la chance lui souriait, aimer à nouveau.

Après ces quelques pages écrites qu'elle clôtura d'un point qu'elle voulait définitif, elle signa de son prénom, puis plia les feuillets. Elle les mit dans une enveloppe qu'elle cacheta et la posa sur son secrétariat avec le sentiment du travail de deuil accompli. L'enveloppe resta quelques jours avant d'être cachée par du courrier plus récent. 

Au bout de quelques semaines, elle la retrouva et la rangea dans sa correspondance. Il n'avait jamais été question qu'elle lui envoie. Elle ne voulait pas prendre le risque de le blesser, c'eut été indigne de leur histoire. 


  • Les sentiments sont écrits d'une très jolie façon, et j'aime beaucoup l'idée qu'elle n'envoie pas la lettre. Beau texte

    · Il y a presque 9 ans ·
    Vava wlw

    ella

    • Le texte ne se justifie pour moi que par cette fin là bien sur

      · Il y a presque 9 ans ·
      Tyt

      reverrance

  • Oui !...

    écriture 1 - Sigmund 0.

    (et m'évoque également de vieilles réminiscences de comportements similaires).

    · Il y a presque 9 ans ·
    332791 101838326611661 1951249170 o

    wic

    • J'aime beaucoup le "écriture 1 - Sigmund 0."
      Pourtant il y a bien l'idée que poser des mots pour exprimer peut être parfois suffisant et qu'il n'est plus nécessaire de dire ....

      · Il y a presque 9 ans ·
      Tyt

      reverrance

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