La loi du talion.

Yvette Dujardin

Maitre Sarah Lemay, était l'avocate d'un homme, dont la femme, le soir de son anniversaire, ayant beaucoup bu, avec des amis, dans un bar, en plein délire, avoua à son mari, que leur ami était son amant. L'homme, aussi ayant bu, pris d'une crise de jalousie, alla chez lui prendre son arme, un fusil à pompe, et menaça les amants, mais finit par tirer par terre. Les gendarmes appelés sur les lieux, l'homme fut arreté. Son taux d'alcoolémie dépassant la normale, et puis menace avec arme, le Procureur Georges Stone, décida la mise en examen. Mais l'homme en pleine dépression, deux mois plus tard, la veille de son procès, se pendit, et ne fut retrouvé que quatre jours plus tard, par un voisin.

  Laura, regarda par-dessous ses lunettes, la femme assise dans la salle d’attente, qui feuilletait nonchalamment, une des revues qui trainaient sur la petite table, à la disposition de la clientèle du cabinet. C’était la deuxième fois qu’elle avait une consultation avec Maitre Sarah Lemay. Laura savait que c’était pour un divorce, elle l’avait inscrit sur son agenda lors du premier rendez-vous. Elle avait été impressionnée par la présence de cette femme, non par son visage, mais par ses yeux, d’un beau bleu certes, mais si durs, qu’elle ne pouvait s’empêcher de baisser les siens lorsque celle-ci lui jetait distraitement un regard.

  Aujourd’hui, un sourire indéfinissable sur les lèvres, elle tenait serré contre elle, une besace qui tranchait avec le chic de son tailleur noir. Mais la sonnerie d’appel de Maitre Lemay la fit sursauter et la tira de ses songeries. Elle fit entrer la cliente, qui en passant la regarda, un léger sourire sur les lèvres. C'était la première fois qu'une expression un peu humaine éclairait ce viage, elle le lui rendit et referma la porte sur elle.

  Aucun son ne passait la porte, lourde et épaisse, Maitre Lemay, ne voulant aucune indiscrétion de la part du personnel. Une demi-heure plus tard, la cliente ressortit, referma la porte doucement, ce qui étonna la secrétaire, car habituellement sa patronne reconduisait les clients elle-même. Mais comme c’était son dernier rendez-vous, Madame avait peut être des notes à rédiger, elle avait tant de dossier à plaider. Ce fut elle qui la reconduisit.

 Laura attendit, rangea son bureau, prépara les dossiers pour demain, puis vers 18 heures 30, frappa à la porte, et comme d’habitude entra sans attendre la réponse. Ne voyant pas sa patronne, elle s’avança jusqu’au bureau et poussa un hurlement.

  Maitre Lemay était allongée sur le sol, baignant dans son sang, la gorge tranchée.

  Comme tous les dimanches, Georges Stone, faisait son footing, voulant entretenir sa forme. Agé d'une soixantaine d'annés, il avait encore belle allure, d'ailleurs les femmes le désisageaient lorsqu'elles le croisaient. Il était assez grand, environ 1m82, svelte, ses cheveux grisonnants lui allait bien.Il n'avait jamais eu de liaison, sa charge passait avant tout.

  Mais un incident il y a quelque année l'avait un peu ébranlé, malgré le sérieux qu'il portait à son métier, il s'était demandé, si appliquer aveuglément la loi en valait la peine. Sa fonction de Procureur Général lui prenait tout son temps, il croulait sous les dossiers, mais sans état d'âme, jamais il ne se posait la question de savoir s'il avait été juste, les faits étaient les faits. La Loi est la Loi.

  Ce matin là, le froid était vif, le brouillard présent depuis deux jours, ne l'avait pas découragé, chaque fois qu’il pouvait, il partait courir le long du sentier, réservé pour le jogging. Il courrait depuis ½ heure, lorsque qu'un jogger, arrivant à sa hauteur, lui fit un petit signe de tête, et le dépassa. Il avait un survêtement avec capuche, qui le couvrait jusqu'aux yeux. Il n'avait pas aperçu son visage, mais son allure ne lui disait rien de bon. Il courrait à petite foulée, mais laissant une petite distance entre eux. Il était de taille moyenne mais paraissait trapu.

  George regarda autour de lui, personne dans les parages, à part eux deux, il est vrai que le temps n'incitait pas à la promenade. Puis l'homme, tourna à un coin de rue, et disparu. Poussant un petit soupir de soulagement, il rentra chez lui.

  Sans voir, que de loin l'homme le suivait maintenant.

  Barbara, son épouse, vit à son expression, que quelque chose le troublait.

  ─ Qui a t'il, George, tu as froid? Tu es pâle, c'est ton cœur ?  Il y a peu de temps, il avait fait un infarctus, le médecin, lui ayant recommandé la prudence, il courait pendant ses jours de repos, mais tranquillement, pour entretenir son rythme cardiaque.

  ─ Non, chérie, tout vas bien, il fait simplement froid ce matin. Le brouillard n'est toujours pas tombé.

  Ne voulant pas l'inquiéter, il ne parla pas de la crainte, injustifié pensat-il, que la vue de cet inconnu avait provoqué en lui. Comment cet homme avait il pu passer sans qu'un vigile le voie. Il appelerait plus tard pour signaler, qu'un inconnu avait pénétré dans la propriété.

   Ayant eu souvent affaire en commun, avec son amie Sarah, à de nombreux dossiers, sa mort l'avait profondément affecté. Barbara et elle étaient amies depuis toujours, se fréquentant depuis des années, et surtout depuis le décès de Maxence, le mari de Sarah.

  Geoges et Sarah, parlaient quelques fois de leurs affaires communes, mais évitaient de plomber les soirée.s

  Y avait-il une quelconque concordance entre le meurtre de Sarah et cet homme, car c'était la première fois que quelqu'un passait par ce sentier, réservé aux habitants de la résidence privée.

  En attendant, il se versa un double whisky, malgré les gros yeux de Barbara, il en avait besoin aujourd'hui, alla dans son bureau et s'allongea dans son divan, ressentant une douleur dans la poitrine. Puis une pensée lui vint. Serais-ce en rapport avec cette vielle affaire? Sarah et lui avaient à cette époque discutés de leurs responsabilités, et en avaient conclu qu'ils n'étaient en rien coupables, ils n'avaient fait que leur travail. D'ailleurs, il devait se faire des idées. Mais Sarah avait été sauvagement assassinée. Une femme parait-il, rien à voir avec l'inconnu. Au fait, il ne l'avait pas bien vu, c'était peut être une femme. Vu la taille, cela pouvait être possible. Il finit par s'assoupir.

  Barbara, dans la cuisine, préparait le petit déjeuner. La musique du visiophone, l'interrompit, elle jeta un coup d'œil et vit une femme élégamment vêtue, un attaché case à la main, un cabas sur l'épaule, attendant derrière la grille. Barbara lui demandant le pourquoi de sa visite, elle lui répondit:

  ─ Bonjour, Madame, je suis le Détective Virginie Desrousseaux, je suis envoyée par le Lieutenant, Jack Borne, concernant la mort de Maitre Lemay, Il s’occupe du dossier, et il voudrait l'avis du Procureur, pour une éventuelle arrestation! Puis-je le voir, je vous prie?

  ─ Je ne comprends pas, pourquoi n'a-t-il pas téléphoné? Et puis un dimanche, ce n’est pas dans ses habitudes ?

  ─ Ecoutez, Madame, si vous ne voulez pas m'ouvrir, ni avertir Monsieur Stone, je vais partir, car il fait trop froid pour que j'attende plus longtemps, et si votre mari veux voir le Lieutenant Borne, il passera au poste, demain. Au revoir Madame. Et elle fit mine de s'en aller. Barbara la vit si sure d'elle, et de plus, voulant savoir qui avait pu assassiner son amie, se décida:

  ─ Attendez, je vais vous ouvrir, ne partez pas! Appuyant sur l'ouverture automatique, la visiteuse entra, avec tellement d'assurance, que Barbara ne doutât plus, de son identité. Elle la fit entrer dans le hall, la détailla discrètement, et alla prévenir son mari.

  Il dormait toujours, un peu assommé par le whisky et son jogging dans le froid. Barbara eut du mal à le réveiller, mais la douleur dans la poitrine avait disparue, et c'est un peu groggy, qu'il reçu la détective, dans son bureau. C'était une grande pièce, entourée d'une bibliothèque qui en faisait le tour, remplie de livres de ses auteurs préférés et de nombreux ouvrages de droit et de jurisprudence. Un divan de style victorien où il se reposait souvent, loin des bavardages de Barbara, deux gros fauteuils de même style faisait face à un imposant bureau.

  ─ Bonjour, Madame, que puis-je pour vous? demanda t-il, refermant la porte derrière lui. Il admira la plastique de la jeune femme, la blondeur des cheveux très bien coiffée, les yeux d'un vert si clair, mais si froids, qu'il avait du mal à soutenir son regard. Pour un détective, elle était très élégante, elle portait de fins gants de chevreau.

  Il l'a pria de s'asseoir, mais négligeant son invitation, elle répondit à son salut d'un signe de tête, puis, ouvrant son attaché case sur le bureau, en sortit un dossier, toujours sans un mot.

  Assis dans son fauteuil, il le prit, lut quelques pages, puis il redressa la tête abasourdit par ce qu'il lisait, mais la femme, en un instant, silencieusement, avait déjà fait le tour du bureau et lui maintenant la tête, d'un seul geste lui trancha la gorge. Il s'affala sur son siège, la tête retombant en avant. Il n'y avait eu aucun bruit, ses gestes étaient d'une précision implacable, elle rangea son Tanto dans son fourreau, après l'avoir essuyé sur lui.

  C'était une redoutable arme japonaise dont la partie tranchante lui confère une coupe rasoir. Elle rangea le tout dans son attaché case, s'examina pour voir si aucune goutte de sang, ne tachait ses vêtements. Comme d'habitude, la précision de ses actes ne laissait aucune trace, aucune éclaboussure sur elle-meme. Dans son sac, elle avait toujours des vetements de rechange, au cas ou.

  Puis sortit du bureau, tranquillement, actionna l'ouverture de la grille, et sans se presser sortit de la propriété.

  Barbara qui terminait la préparation de son brunch, la vit sortir, puis voyant que son époux ne venait pas la rejoindre, se dirigea vers son bureau. Il était écroulé sur son fauteuil. Croyant à un malaise, elle l'appela, comme il ne répondit pas, elle s'approcha et là, un hurlement inhumain retentit.

  Elle ne se rendit même pas compte que c'était elle qui l'avait poussé. Elle s'écroula sans connaissance, heurtant violemment le sol carrelé de sa tête.

  Au même moment, la femme sortit un jogging d'un sac de sport caché dans un fourré, des baskets, les remplaça par son tailleur, sa perruque blonde et ses chaussures, y mis aussi son cabas, dans lequel elle logea ses lentilles et ses gants. Puis changée, enfonçant la capuche sur sa tête, son sac à l'épaule, s'éloigna, d'une foulée souple.

  Si Georges avait pu la voir, il aurait reconnu son inconnu.

  Vous avez tué mon enfant, vengeance est faites!

  A l'autre maintenant, la putain.

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