La maison de là-bas fin

aile68

ça aurait pu être une belle chanson mais il manquait la musique des pleurs et de l'espérance oubliée au fond d'un mouchoir de poche brodé par grand-mère. Entrelacs de souvenirs et de parfums de là-bas, tomates séchées au soleil de là-bas, je jouissais de la vie dans toute sa profondeur et son intensité. Beaucoup de monde se réunissait dans la maison, des cousins venus de loin, l'Amérique nous semblait si proche avec eux! Nous savourions des fruits de là-bas, de grosses mures charnues, l'or noir des collines et des campagnes, nous visitions des grottes à ciel ouvert, effondrées dans l'érosion des roches, il y a un millier d'années de cela. Nos vacances c'était ombre et lumières dorées, cadeaux et bonbons cachés dans des valises que nous ramènerions avec d'autres paquets bien ficelés que nous passions par les fenêtres d'un train spécialement formé pour nous, les émigrés.

Ensemble nous formions des mondes universels, sans pays, sans frontières, que des limites naturelles comme des fleuves ou d'immenses forêts, noires, bleues. Le soir, sur la place comme un grand plateau scénique, nous écoutions des musiciens en verve, des orchestres de tambourins et de mandolines émouvantes, sautillantes, le folklore plaisait encore mais pour plus longtemps. Les jeunes avaient envie de modernisme mais on se promenait encore le bras dessus dessous sur le cours long comme une rivière mouvante, bruyante. Les voitures avaient du mal à se frayer un chemin dans la foule endimanchée, longue parade où l'on pouvait tomber amoureux ou au contraire où l'on fuyait les garçons trop pressants, trop âgés.

Là-bas, les feux d'artifice étaient des châteaux de feu, on achetait de grands ballons de baudruche qu'on attachait ensuite au balcon du premier, on les regardait flotter dans l'air avec amusement avec la cousine d'Amérique et, ils résistaient ces ballons, à la chaleur du soleil implacable. J'aurais aimé y aller en Amérique, au V. plus précisément, au Sud des Etats-Unis, j'ose croire que c'est encore possible. Rêves, espoirs de "là-bas" divers, on regardait les grosses voitures de ceux qui venaient d'Allemagne avec dédain et pourtant ça aurait pu être nos cousins, nos amis. Dans mon île de là-bas, quand j'étais petite c'était encore mules et longues processions de chèvres et de brebis, c'était un événement spectaculaire quand ces dernières passaient. Mon petit-frère lui, cochait les jours qui passaient lentement, brûlaient au soleil avec les champs de blé le soir, après une longue journée de soleil.

C'est resté un pays de soleil et de joie, de combat sur une vie difficile, une charnière entre un passé qui sévit encore et un présent malmené, négligé par une mentalité corrompue, séculaire qui sévit dans toute l'île, un "là-bas" qui s'est construit à la force du poing et des proverbes que ma mère cite encore.

 

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