La momie qui trichait au jeu. (Chapitre 4: "La Pharaonne")

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                     Chapitre 4/4:   "La Pharaonne"

"Dans ces trois feuillets, je décris le montage complet qui permet de déclencher cette vague gigantesque qu'est le Voyage Temporel. Je l'ai conçu, tout seul, dans mon atelier. Mais il est inexploitable en l'état, sauf à accepter la mort au retour. Pas attirante, hein, ma machine ! Toutefois je suis certain que ce terrible obstacle (la destruction du Voyageur quand il revient en arrière) peut être levé. La solution technique existe, je le sens. Mais il y faut bien plus que le travail d'un seul chercheur. Toute une équipe, avec beaucoup de moyens matériels et financiers, parviendra certainement à rendre le Voyage retour aussi sécurisé que l'aller. Moi, seul, je n'avais aucune chance. J'ai donc décidé  ce saut auquel je ne survivrai pas. Je pense avoir réalisé tout ce que je souhaitais.  Alors, partir en offrant la richesse à une jeune femme, ça me plaît bien !"

Elégance ultime, Professeur, vous partez, vous vous envolez !

"J'ai songé, un moment, à faire disparaître ces feuillets qui permettent de reconstituer mon invention. Mais quand j'ai voulu les détruire...

Solveig ! Je ne comprends pas:  dans ma tête, juste entre mes tempes, j'ai ressenti une extrême tension, et un ordre a sonné dans mon esprit:  "Protéger le Destin".

J'étais en sueur, ce n'est pas moi qui avais "pensé" cela.

De nouveau, j'ai voulu déchirer, éliminer ces notes. de nouveau la tension est revenue, douloureuse, pour m'en empêcher. Je n'ai pas eu envie de chercher d'où, de qui, venait cette intervention.  J'ai eu la trouille, disons-le !

Je vous "lègue" donc ces feuillets, Solveig. Ils sont manuscrits.  Recopiez-les très soigneusement. Puis, là aussi, détruisez l'original, et cachez bien la copie."

Mission accomplie dès la deuxième lecture. Elle a tout recopié, l'original n'existe plus.

"Que ferez-vous, lorsque vous serez richissime, telle une Pharaonne, de cet héritage apte à changer le monde, et que je n'ai pas eu le courage de révéler à toute l'Humanité ? La décision vous appartient.

Voyez ! C'est lourd, ce poids de responsabilités ! Ne m'en veuillez pas de vous le laisser sur les bras ! Prenez le temps de bien réfléchir, profitez de votre richesse. Longtemps,le plus longtemps possible. Car, songez-y:  dévoiler ce redoutable progrès scientifique, ce serait vous exposer, vous. Pensez à votre fille !

Soyez, toutes deux, très heureuses. L'argent est fait pour être bien utilisé. Je vous fais confiance. Mais, vous, attention à qui vous ferez confiance !

J'ai une question, je la pose, bien qu'en fait, je n'attache pas grande importance à la réponse (que je n'aurai jamais): ai-je triché, ai-je fraudé, en allant ainsi dans le Futur chercher les numéros gagnants ? Bof... Si je l'ai fait, c'est que cela DEVAIT être fait.

Tout est en ordre. Je vais m'installer dans le fauteuil que j'ai mis au point. Dans mes poches,les deux souricettes sont bien au chaud. Je pars.

Bonheur à vous, Solveig, et à votre gamine !

     Professeur Stéphane Dourieux."

Elle reste un moment assise, buste droit, les yeux clos, puis se lève et détruit la lettre.

Elle ne regrette pas d'être allée aujourd'hui, dans le bistro, contempler l'agitation policière. Une sorte d'hommage à l'étonnant Voyageur. Satisfaite aussi d'avoir vu et entendu le Commandant Stéphane Landrain essayant de comprendre les raisons de cette mort atypique. Ce policier lui a fait bonne impression, mais... Pas d'inquiétude, tout le monde sera soulagé de conclure à un accident, avec tous ces appareils qui crachent des ondes...

Commandant, sans le savoir, vous étiez tout près de moi. Moi, la seule personne qui détient la Vérité. Vous avez certainement saisi l'aspect paranormal de tout cela. Toutefois cela ferait désordre de l'écrire dans votre rapport. Oui, vous êtes, bien malgré vous, tenu au Secret.

Au Secret de votre intuition. Alors que, moi, je suis tenue au Secret de la Vérité.

Solveig se durcit. Tenue ? Tenue par qui, par quoi ? Hein, Pharaonne ! C'est toi qui a le Pouvoir.

Cela suffit. On ne va pas secouer le Monde, l'Eternité, en allant dans l'avenir et le passé !

Elle prend la copie pour la déchirer. Mais elle n'y parvient pas. Elle ressent une brutale montée de sueur partout sur son corps, une vive tension dans sa tête. Vite, pour bloquer l'ordre qu'elle pressent, elle chuchote:

"Non, je ne détruirai pas ces documents, je veillerai sur eux. Qui que vous soyez, aidez moi !"

L'ordre résonne en son esprit, mais plus doux:

"Protéger le Destin".

Solveig a besoin de quelques minutes pour retrouver son énergie. Après avoir caché la copie, elle se lève, prend le coupon gagnant, et sort. Il est temps d'aller au Siège du Loto.

Marchez sans vous presser, Madame. Il fait doux...  Vous et votre fillette  n'aurez bientôt plus rien à vous refuser, il vous faudra simplement rester calme, et Dourieux a fait un très bon choix: Vous êtes équilibrée, sensée, circonspecte pour accorder votre confiance.

Un petit arrêt sur un banc dans le parc que vous aimez... Et vous repartez, paisible.

Vous avez une pensée attendrie pour les deux souricettes coquettes qui trottinent, guillerettes, quelque part dans la ville, minuscules pionnières du Voyage dans le Temps !

Bien... Vous êtes presque arrivée, la grande porte du Siège est là.

Solveig est prête. 

Elle entre, va au comptoir, se fait connaître, montre le coupon. On s'empresse autour d'elle.

Attentive, lucide, déterminée, elle entre dans sa Nouvelle Vie.

                                                        Edouard Huckendubler

  Bon... Cette nouvelle en quatre chapitres, j'aimerais qu'elle prenne la forme d'un scénario de Bande dessinée !

 Appel à vous, dessinatrices/dessinateurs ! Je suis ouvert aux propositions...