La nuit des cauchemars

little-wing

Satan écrit. Il tue de la pointe de sa plume, traçant en lettres sombres la diabolique envie de flamber le monde si cher au cœur de Dieu.


Il est 02h54 et la nuit n'est qu'une illusion dans l'esprit du diable. Il est obsédé par la folie, la folie d'écrire et de massacrer ligne par ligne la stupide et brève vie d'humains qu'il déteste. Satan hait. Et il aime haïr, c'est son dada. La violence de ses mots le fait presque frétiller de plaisir, si tant est que l'on puisse imaginer Satan « frétillé ».

 

Satan possède la plume et la feuille. Satan abuse. Satan s'amuse. Il fait nuit blanche, il a décidé de lancer un plaidoyer : Satan VS… versus qui ? Il est où Dieu, ce lâche qui ne l'affronte jamais directement, les yeux dans les yeux ?

 

Le Mal devient violent, il est comme ces gosses qui piquent une crise parce qu'ils n'ont pas ce qu'ils veulent. Satan est frustré. Perdu, sans adversaire, il se jette sur la première chose qui lui tombe sous la main et qu'il n'a pas encore détruite : une feuille et un stylo. Satan est possédé. Il écrit des pages et des pages. Il s'adonne à corps perdu à la meilleure chose qu'il sait faire, la seule en fait, faire le mal.

 

La machine à rêves avait été sabotée dans la nuit. Les fantômes ont peuplé les vivants. A l'heure du crime, les monstres sont sortis de sous les lits et se sont lancés dans le vagabondage nocturne. Ils ont fait la tournée des boîtes. Un squelette changea les panneaux de signalisation de place avec un rire sardonique qui faisait claquer ses dents. Le Diable s'habille en prada. Les ombres maléfiques ont chuchoté l'horreur et le meurtre à des âmes esseulées. Les ténèbres ont sniffé un rail de coke. Hannibal Lecter version massacre à la tronçonneuse. Fight Club dans l'alcôve secrète des lieux de débauche.

 

Cette nuit-là, une ambition naquit dans son regard fou. Cette nuit-là, l'encre qu'il utilisa ne fut plus noire mais rouge. Cette nuit-là, les cauchemars furent capturés pour se retrouver enfermés sur les pages d'un thriller.  

 

Satan est fier de lui. Il a créé un monde à son image. Un verre d'alcool à la main, un joint coincé entre les dents, il lève le regard au ciel. C'est une nuit sans nuage et sans lune. Une belle nuit. Une nuit où il se sent maître de l'univers. Provocateur, il lève son verre à un Dieu qui l'ignore. Il se sent vainqueur. Il a écrit.

 

 

« Il éprouvait une délectation féroce à exister. Ce soir, il se sentait bien mais demain, il se sentirait encore mieux en faisant du mal aux autres. Vivre, c'est tuer un peu. » La Part de l'autre, Eric-Emmanuel Schmitt.

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