La nymphette

Je voyais des complots partout. Un voisin me disait « Beau temps ce matin, n'est-ce pas ? » « Mais qu'est-ce qu'il a voulu me dire, ce con ? »

C'est simple, la terre entière m'en voulait. Je ne sais pas exactement combien de milliards de personnes qui m'en veulent, ça fait la terre entière, mais pour un seul crétin, ça fait too much.

Donc, je m'assignais à résidence, bien avant le temps des confinements, en me cloîtrant à double tours, chez moi. En y ajoutant des barres de sécurité que j'avais piquées dans un château fort et un bracelet électronique que j'avais piqué dans une bijouterie.

Ben, non ! Même ça, ça ne suffisait pas ! Ils arrivaient, quand même, à entrer chez moi, avec leurs outils de propagandes. J'ai explosé mes télés, mes écrans, mes radios, mon grille-pain (quoique pour lui, je regrette un peu, car je crois qu'il ne faisait pas partie de la bande d'espions).

Mais ils sont rusés les gens qui m'en veulent. Ils m'envoyèrent une espionne, sous les formes d'une nymphette sortant des eaux de sa douche, sonner à ma porte

-         Ouais ! C'est à quel sujet ?

-         Je suis seule et j'ai peur, ouvrez-moi, par pitié ! Mon époux est parti faire son dur métier... et j'ai peur de l'orage !*

-         Ah, ah, à d'autres ! C'est la canicule dehors sur mon calendrier des postes de l'année 1993.

-         On est en 2021, pitié, j'étais même pas né, ouvrez !

-         C'est pareil, les saisons, c'est toujours la même chose. C'est cyclique. Allez, allez-vous en ! Où je lâche les chiens ! J'appelle la police des frontières privées ! Je déclenche une guerre nucléaire ! Je réédite le déluge apocalyptique sans le père Noé !

En fait, je n'ai pas de chien, mais ils ne sont pas obligés de le savoir et de plus, j'aboie avec la tessiture d'un berger allemand, d'un pit bull et d'un épagneul breton. Bon, l'épagneul, je l'ai rajouté au bouquet, parce que je sais bien le faire, mais il impressionne moins. De toute façon, la nymphette, elle s'est rhabillée, a remis ses sous-vêtements, ses pulls, sa parka. Une parka, en pleine canicule, n'importe quoi, la nymphette !

Bref, maintenant, ça y est, c'est fini, je suis complètement guéri. Je ne suis plus parano du tout.

Mais je regrette, quand même un peu, pour la nymphette.

*Inspiré d'un texte de Brassens, « L'orage » et non pas de Rika Zaraï, « Trempe ton cul dans la bassine en crue », comme trop souvent confondu.