La Perte

mylenea

La Perte
(sur Unfinished Sympathy)

(…)
Et, elle plonge en elle-même, à la recherche de la douleur, de la saveur de sa Perte. Nulle compassion : le combat finira là.

Le martèlement commence et les premières images viennent à sa conscience, exhumées du fond de ses entrailles soigneusement lacérées. Fer rouge contre fer rouge, les limites de l’abime se précisent et la brûlure s’exprime avec la plus exquise lenteur. Son corps ondule et ondule, élargissant peu à peu les bords d’un trou béant. La douleur fait la cour à son corps, avec application.

Des lames aiguisées, telles les petites notes sadiques posées sur le martèlement qui s’oublie, procèdent alors à son dépeçage en règle. Elle est toujours consciente et se concentre sur l’évolution de la sensation. Des mains la touchent, l’explorent, s’attardent, surgissent, arrachent peaux et chaires offertes en sacrifice. Son souffle s’épuise, une ultime expiration : elle se soumet. D’autres images, d’autres sons, et la Perte est bien là, entière.

Shara s’écarte lentement du bucher - ses restes achèvent de se consumer, funestes fumerolles de carbone et de sang – puis se dresse avec dignité. Toisant l’assistance venue se repaître ou se navrer de son sort, elle leur apparaît sous la plus belle forme. Une poignée de cendres dans la main, sa voix devenue étrange murmura :


-« Je les ai rencontrés, il y a un temps déjà. Nulle créature n’eut jamais ému notre espèce à ce point, ici bas. Lorsque vous pouviez sentir de plus près leur chaleur, votre âme ressentait la présence des dieux que les hommes ont recherchée au travers des âges. Je les ai rêvés, ressentis, crains, suivis et finalement aimés tout le temps qu’ils sont restés parmi nous. »-
-« Ils s’en sont allés. Pour nous, ils ne sont plus. Je péris aujourd’hui pour ne pas avoir à revivre un seul jour où ils n’existent pas, Soyez témoins que j’ai choisi les plus belles douleurs pour expier mes fautes et accepter ma destinée. Une main diaphane se pose sur mon épaule comme le jour où tout a commencé, et … »-
-« Pardonnez-moi. Ils me demandent de ne pas m’attarder. Plaisent aux cieux qu’il s’agisse d’un adieu. Quel péril pourrait justifier l’ignominie de notre retour ? »-
(…)

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