La petite actrice

Caïn Bates

       Retour de projection d'un festival de films amateurs, les rues pavées sont désertes et on peut entendre au loin les échos des autres spectateurs qui ressassent leurs souvenirs des comédies proposées. Seule une âme continue de jouer inlassablement dans ces mêmes rues qui ont servis de décors pendant 48h, elle joue comme pour défier le temps accordé, elle joue pour l'arrêter. Et ses pieds nus virevoltent sur les pavés humides, une légère brise lui caresse la joue et elle lui répond d'un semblant de surprise. Tout est écrit dans son scénario, je ne suis qu'un figurant dans son film. 

           J'ai vu la petite actrice jouer des centaines de fois, inondant les friches et les couloirs déserts de leurs vies passées. Elle sait tout jouer, la Vie et la Mort, la Joie et la Tristesse, La Sagesse et la Démence. Parfois, il me plait d'écrire pour elle, comme pour la voir interpréter ma propre vie mais elle improvise quand le ton se fait trop sérieux. 

       Au diable les Spielberg et les Godart, la petite actrice se fout de leurs fictions. Elle ne joue que sa propre vie, le monde est son décor, les yeux des passants sont ses écrans de cinéma. Il n'y a qu'un endroit qui soit unique à ses yeux, elle a fixé sa loge quelque part dans mes pensées, elle s'y cache parfois de longues semaines comme un caprice de star. Mais, parfois, ma vision se met à se troubler et, soudain, entre en scène la petite actrice qui s'installe devant moi, me sourie et se met à jouer de plus bel. 

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