La petite fille aux yeux dorés

lorine

   Il existait un village du nom de Clairetour. Il était sans prétention, sans grande ambition. Il ne rêvait que de prospérer tranquillement pour l'éternité. Il n'était habité que par des familles de paysans et d'artisans. Il était joli, sans fioriture mais n'attirait pas spécialement les foules.

   Son seul centre d'intérêt, c'était cette petite fille aux yeux dorés. Elle charmait tout le monde avec ses étonnants yeux tristes. Elle avait de longs cheveux bruns un peu rebelles qui formaient comme une auréole autour de son visage. Sa peau était laiteuse,bien blanche et ses lèvres, aussi rouges qu'un tout jeune bouton de rose. Elle était orpheline et avait été retrouvée, alors qu'elle n'avait que dix ans, près du corps de sa mère dont la gorge avait été tranchée. La petite fille devait détester de toute son âme les créatures nocturnes qui apeuraient le village. Elle aimait écouter les chasseurs de la nuit parler de leur prochaine patrouille, raconter leurs histoires et leurs aventures.

   La petite fille aux yeux dorés ne s'intéressaient pas aux jeunes garçons, qui faisaient tout pour attirer son attention. Fleurs et bijoux lui étaient offert tous les jours. Elle ne les portait jamais, les gardant chez elle, chez sa gentille tutrice, la tisseuse du village. Elle en avait marre de n'être appréciée que pour sa particularité, son enveloppe.

   Mais, parmi tous les jeunes hommes qui l'appréciaient, il y en avait un en particulier qui aurait sans doute décroché la lune pour elle. Il était un peu plus vieux qu'elle et était l'un des chasseurs. La petite fille n'était plus vraiment une petite fille mais elle avait gardé un visage extrêmement enfantin.

   Il voulait la conquérir et, alors qu'elle était toujours indifférente à ses charmes, il décida d'aller tuer la bête qui terrorisait la ville pour être le héro vengeur dans le cœur de sa belle et le vaillant chasseur aux yeux des villageois.

  Il commença ses recherches, collecta des indices, travailla jusqu'au bout de la nuit pour trouver un semblant de piste. La petite petite fille aux yeux dorés ne lui parlait toujours pas, mais elle lui souriait de temps en temps et cela suffisait à faire fondre le cœur du jeune homme. Son travail porta ses fruits puisqu'il finit par trouver, des carcasses d'os humains, cachés dans une espèce de grotte, dans le bois. Les os étaient jeunes, ils appartenaient à des enfants.

   Une nuit, il était prêt. Il partit de chez lui, sans prévenir personne, armé d'un pieu. Discrètement, il entra dans les bois. La forêt était silencieuse. Il n'y avait pas le moindre bruit animal. Ce qui était étrange de la part d'un endroit qu'on appelait « le bois des hiboux ». Son voyage dans les profondeurs de la nature dura quelques minutes avant qu'il n'entende un cri de détresse déchirer le silence de la nuit. Il se précipita vers la source de la plainte.

   Par terre, gisait le corps de la petite fille aux yeux dorés. Cette dernière semblait épuisée. Elle suffoquait, cherchait son air.

   Il l'aida à se relever, la serrant contre lui pour la rassurer.

   – Qu'est-ce qui s'est passé ?

  – Le vampire ! Il n'est pas loin, dit-elle entre deux inspirations.

   – Ne t'inquiète pas, je suis là.

   Il était face à elle. Il se rendit compte que ses iris brillaient d'un éclat extraordinaire. On pouvait les voir, dans la nuit. Ils étaient semblables à des yeux de chats. Mais un détail qu'il n'avait jamais remarqué le frappa. De toutes petites veines bien rouges décoraient le blanc de ses yeux. Ces derniers étaient d'ailleurs froids et vides de toute expression. Seule une certaine folie s'échappait de son regard. Le chasseur se sentie mal et il baissa les yeux.

   La jolie bouche de la jeune fille était légèrement entrouverte. Il put voir la longueur inquiétante de ses dents blanches et luisantes. Quand il compris enfin, il était trop tard. Quelques instants plus tard, il n'était plus. Les dernières paroles qu'il entendit furent :

   – Le cœur d'un homme amoureux est le plus divin des mets.

   L'indice que les villageois cherchaient pour reconnaître un vampire avait toujours été là, sous leur nez : les yeux dorés.

  Quand la petite fille aux yeux dorés commença à manger, les hiboux se remirent à chanter. Le prédateur était rassasié.

Signaler ce texte