La petite robe noire

Vêtue de sa petite robe noire, elle est entrainée sur la piste. La salle est pleine, surchauffée ; les tables ont été repoussées, les stores fermés, la lumière n'est que quelques spots colorés. Dans un coin, un DJ est installé. La cantine est totalement métamorphosée, et la foule l'a envahie, attirée par la musique.

Accrochée au bras de son copain, une parmi la masse, elle danse. Ses anglaises foisonnantes sont secouées dans tous les sens, ses bras se lèvent et se replient, ses pieds sautillent en rythme. Les différentes mélodies battent en elle à tour de rôle, la portent, elle danse. De tout son cœur, de toute son âme, au milieu de la foule, une parmi la centaine, sans craindre de paraitre ridicule, elle bouge et s'agite.

Elle a l'air heureux, détendu. Elle rit quand son copain lui glisse une parole à l'oreille, saute de plus belle quand la musique s'intensifie. Elle profite, à fond, un grand sourire barre son visage et ses yeux pétillent de joie.

Elle danse et dansera jusqu'au bout de la nuit. Vêtue de sa petite robe noire aux manches dentelées, au col arrondi, et à la coupe cintrée, elle se donne, bouge son corps fluet sur la musique, s'égosille avec les paroles des chansons qu'elle connait par cœur. Et tous autour d'elle fond de même, s'amusent et rient, pour profiter de l'instant, jusqu'au bout, à fond.

Ils ne veulent pas penser que demain c'est la fin, le dernier jour, qu'il faudra prendre le train, se séparer, qu'ils partiront dans différentes directions, retrouveront leurs foyers, leurs familles, et leurs chambres solitaires, sans trois-quatre copains pour la partager. Que demain soir, à la même heure, ils seront en compagnie de leurs frères ou leurs sœurs, et non de leurs camarades de colonie. Ils dansent, dansent, voudraient bien que la soirée s'allonge, dure éternellement.

Et la nuit au-dehors fait écho à la danseuse, recouvre la salle de sa grande robe noire, comme une promesse que ce n'est pas fini, qu'il reste un peu de temps, de rire et de joie ; tandis qu'à l'intérieur, la petite robe noire continue de virevolter.