La pièce

Etaïnn Zwer

Partout je meuble la petite pièce. Certes c'est une réduction, une miniature du monde, et toute construite de manques, mais elle n'en est pas moins présentable. Oh tu la hais, et il arrive que tu alignes sur le sol nu les objets miraculeux du dehors enfouis patiemment dans ton sac. Tournés contre moi. Ce rite mélancolique se termine toujours par une rougeur à ton front. Je sais que tu cherches à construire des ponts, et je les défais infatigablement. La pièce me plaît. Je la meuble. J'ai déjà posé des minuscules songes en peinture sur une commode imaginaire. Chacune de mes métamorphoses, quand tu t'en vas, ni vraies ni menteuses, je les place dans des cadres au-dessus de ma tête. Au-dessus de tes seins que j'embrasse, au moment où tu te noies dans mes bras, je les vois, elles nous jettent des œillades tardives. Et quand tu es trop longue à venir, je me tue par amour et je sème mes os dans des pots à tournesols. Je scrute avec un intérêt rageur leur pousse chimérique près de l'unique fenêtre qui donne sur un boyau de cour.

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