La Rencontre

yonna

Un réveil qui sonne…

Un cœur qui s’éveille…

Il fut enfin temps de se lever, de mettre un pied, puis deux, sur le sol. Je voulais que tout soit parfait, je voulais lui plaire en restant la plus naturelle possible. Je voulais qu’en m’apercevant, il ne voit plus que moi. Mon estomac se nouait, j’étais deux fois plus stressée qu’avant un examen, dix fois plus excité qu’avant un concert ou une fête d’anniversaire… Je me préparais à passer une des journées les plus importantes de ma vie. Il était bientôt onze heures, j’étais sur le quai de la gare, quai trois. J’étais accompagnée de ma meilleure amie. J’ai besoin d’elle en toutes circonstances. Des qu’on a aperçu le train entrer en gare, elle me quitta. Je devais maintenant affronter ce moment seule, être courageuse. J’ai failli faire demi-tour, la rejoindre. Elle m’a priée de rester, et je l’ai vu s’en aller me laissant seule… Face à ce train, face à cet inconnu, face à mon destin.

D’un coup les portes de chaque wagons s’ouvrirent, frayant un chemin à des centaines de personnes, pressées de retrouver les leurs, pressées par leur travail, pressées. Et moi, je parcourais le quai en quête de le trouver parmi ces gens qui me bousculaient. Je ne le trouvais pas, je ne le voyais pas, ne le reconnaissais pas ! Alors je décidai de me diriger vers la sortie dans l’espoir qu’il ait eu cette même idée pour qu’on se rejoigne plus facilement. Il était là ! Je l’apercevais de loin, je marchais les derniers mètres qui me menaient vers lui. Poum, poum, poum. Métronome de chair, boussole des émotions, des sentiments et des peurs. Toutes mes anxiétés sont concentrées en un son unique. Poum, poum, je ne sais pas comment me comporter. Poum, poum, poum, je pulse comme un être vivant. J’arrivai enfin devant lui, il était intimidant, et intimidé. Je lui fis la bise et lui demanda s’il avait fait bon voyage. Il acquiesça et me répondit délicatement d’un ou deux oui. Une longue journée nous attendait dans le centre ville Nantais, il était enfin temps de la vivre. Sur le chemin, en parlant de tout et de rien il parut si timide face à moi. Je crois que j’étais plus décontractée que lui !

Les heures passèrent…

Je buvais ses paroles, me noyais dans ses yeux, d’un bleu… J’avais envie d’être encore plus près de lui, qu’il me serre contre lui, que je sente son odeur, que je goute sa peau. Mon imagination n’en finissait pas. Après une longue balade ou nous avions partagé des milliers de mots et quelques dizaines de rigolades, nous prenions le temps de nous retrouver autour d’un verre, pour discuter encore, et encore. Il me passionnait, j’écoutais, j’enregistrais, j’admirais.

Il était déjà presque dix sept heures et son train n’allait pas tarder. Nous décidions de nous asseoir sur un banc, dans un parc à proximité de la gare. Pendant une heure, nous nous caressions des yeux, nous parlions en langage muet, nous sourions. Et je savais, que dans sa tête, des millions de pensées voyageaient, dont une en particulier. Il fallait décider, de se revoir, ou non. Il me dit à un moment : « Regardes mon regard, mes yeux, qui parlent pour moi, tu devrais me comprendre… ». Evidemment, j’avais compris. Mais j’attendais, je n’avais pas le courage de le questionner sur sa décision. Et il fut temps de partir. En marchant vers le quai, nous ne nous adressions pas un mot. J’avais si peur de le perdre, à peine gagné. Car je savais que j’avais son cœur, on ne cache pas çà.

Arrivés sur le quai, il s’appuya contre une colonne, je me trouvais face à lui. Il ne perdit pas de temps pour m’appeler des yeux, et me prit la main gauche, empoigna la lanière de mon sac de son autre main et me plaqua contre lui. Je lui lâchai un dernier sourire comme une reconnaissance, et il m’embrassa. J’aurais voulu qu’il en soit toujours ainsi, silencieux, un peu grave, protecteur et tendre. Qu’il ne me quitte pas, qu’il ne me dise rien d’autre et qu’il me dise qu’il m’aime. Il s’arrêta, me prit dans ses bras. J’étais contre lui, les yeux fermés, dans un autre monde, où plus rien autour n’existe, plus rien n’a d’importance, ailleurs. Et tout ces derniers temps n’avaient été qu’une longue fuite devant cet instant là. Et ses mains qui touchaient les quelques mèches de mes cheveux, et cette bouche chaude, douce, si bien faite pour la mienne. Je passais mes mains autour de son cou, dans ses cheveux courts et blonds. Il ne disait pas mot, mais m’embrassait, redressant parfois la tête pour reprendre souffle. Je voyais alors son visage au dessus du miens, dans la lumière, distrait et concentré à la fois. Je fermais les yeux quand il revenait sur moi, et quelque chose apparaissait en moi, que je ne connaissais pas, qui avait la hâte, l’impatience du désir, mais qui était heureux, et lent, et trouble. Il se détacha de moi et je trébuchai un peu. Il me prit par la taille, le train arriva, il était déjà temps de se quitter. Il me fixa et je détournai le regard, je ne voulais pas qu’il s’en aille, qu’il monte dans ce train, me dise au revoir pour cinquante jours. Paradoxalement, ce que je voulais, c’était être seule, dans le noir de ma chambre, pour pouvoir me rappeler et comprendre ce qui m’arrivait. En lâchant un par un chacun de mes doigts, il monta les deux marches du wagon… Il me regarda une dernière fois, et je me retournai. Les larmes cédèrent. Bouleversée par cette séparation, je marchai pour rentrer… Toujours dans mon monde, mon ailleurs, mon histoire ; notre histoire.

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