La Traque

Nous étions rue Mogador avec ma compagne, quand je sentis une présence. Inquiet, je me retournai sans cesse. J'avais la désagréable sensation d'être suivi. Par sécurité, j'accélérai le pas. Mon instinct m'éclaira. Nous étions pris en filature. Je pris ma compagne par le bras et l'entraina à toute allure rue de Provence. A son débouchée avec la rue du Havre nous nous mélangeâmes à un groupe de touristes afin de brouiller les pistes. Je pensai l'avoir semé. Mais reprenant notre route par la rue Aubert, je sentis la traque reprendre. Pressons, pressons. j'entrepris de récupérer le boulevard Haussmann et j'accélérai de nouveau. Ma compagne haletait. Elle me suivait sans comprendre. Je sentais son souffle dans mon cou. L'idée de faire une halte me vint. Mais pas le temps de se reposer. Une nuée de passants nous doublérent et nous leur emboitâmes le pas. Je m'engouffrai dans la rue Lafayette, puis la rue Halévy, en continuant tout droit en direction de la place de l'Opéra. Tous mes indicateurs sensoriels étaient en alerte. Fuir pour lui échapper. Soudain, l'aubaine, un porche d'immeuble. Parfait pour une planque. Essoufflés et angoissés, nous restâmes sous notre abri de fortune à regarder passer les badauds, les touristes, les quidams, un pompier, deux religieuses. Mais pas trace de notre poursuivant !

C'est en voyant cette marée humaine défilait que je compris. Ils marchaient tous comme s'ils étaient filés, suivis, traqués. Je me mis à sourire. Personne n'était à nos trousses. J'avais seulement succombé à cette frénésie collective, intégrée à la vie quotidienne parisienne.

Quelque peu rassurés, nous avons repris notre ballade. Quand une main m'agrippa et me tira en arriére.
"... votre écharpe".
C'était l'ouvreur du théatre Mogador. Il était épuisé.