La valeur ajoutée

mysteriousme

Chauffée à bloc après un entretien téléphonique où je me suis sentie oppressée par des "quelle est votre valeur ajoutée ? Et vos clients, qui sont-ils ? Comment les démarchez-vous ?"...

Je regarde ma poule et me dis à voix haute : "Je préfèrerais être une poule. Pas d'enjeu à part la survie".

Je décide alors de me prêter à l'exercice capitaliste, ingrat et certainement stupide de démasquer la valeur ajoutée de ma poule...

Elle gigote. Elle gratte le sol, et parfois même mes cultures ! Quelle outrecuidance ! Elle cache sa tête pleine de crête rouge vif dans ses plumes blanches quand elle est fatiguée. Elle se planque sous le tas de planches du jardin, à l'ombre, au frais... Bain de terre.

Elle pond quand elle en a envie. Elle mange ce qu'elle choisit de manger parmi les restes épars qui lui sont donnés de ma main chaque matin... Ô mâtin de moi !

Elle caquette et parfois même chante, à des heures indécentes pour un weekend, comme possédée par l'âme d'un coq sans vergogne. Elle vient sur la margelle où elle s'épouille, où elle se gratte de ses pattes crochues, semblables à celles des dinosaures, où elle halète quand il fait trop chaud.

Elle cherche à rentrer dans la maison. Rentre parfois, et me laisse, en cadeau, une déjection des plus infâmes et odorantes ! Elle me fait tourner en bourrique, se cache quand je la cherche, décortique une plante, mange un orvet qui vivait sa vie sous un tas d'herbes... Elle aime les graines de courge, petite gourmandise que je lui tends parfois et qu'elle picore en gloussant avec joie... Si tant est qu'elle puisse en ressentir l'once d'un pourcent ! Pas dans ma main, les graines, elle serait capable, dans sa frénésie de me blesser de son long bec pointu et acéré, d'un blanc cassé, aux commissures couleur des fleurs de verveine.

Elle s'étire, secoue ses ailes, marche en titubant sur le sol caillouteux, refuse d'aller dans l'enclos, ou dans le poulailler, ou au contraire, me suit au pas de course quand je secoue une gamelle de graines...

Non, vraiment, sa valeur ajoutée mériterait bien la potence ou ma casserole...

Et pourtant, animal aussi "nouille" et indiscipliné soit-elle, aussi ingrate et incapable d'affection... Je m'y suis attachée... Depuis 7 ans, ma complice. Ayant subi 2 décès de colocataires, certains se seraient pendus pour moins que cela ! Et 2 déménagements, rien que ça... Coquette, c'est ma poule, quoi. On se retrouve entre 2 vieilles célibataires, elle glousse, je lui parle, l'engueule parfois, la pousse du pied quand elle tente de rentrer...

Coquette, c'est la survivante, la rescapée, à qui il ne faut pas en promettre, qui a la peau dure... et le plumage très doux, blanc partout, noir au cou et sur les bouts des ailes et de la queue... Ne l'approche pas qui veut ! C'est une Sussex, puis-je dire prétentieusement à qui veut bien l'entendre. "Volatile ingrat", "ma grosse", "dondonne", "grosse dinde"... Tant de mots d'oiseaux pour une poulette...

L'instant présent et sa tête de piaf comme compagnons de route... Ca n'a pas de prix... Et pourtant une grande valeur !

Signaler ce texte