La vengeance des araignées
miliana
Je me réveillai. Ce n'était pas le réveil qui m'avait sorti de mon sommeil. Non. C'était plutôt le jour qui filtrait par les volets, et puis aussi le silence dans la maison. Cela pourrait être normal, mais certainement pas pendant un jour de la semaine. Bon. Juste avant que j'émerge complètement, je me présente : Xavier, un jeune garçon de 13 ans. Aujourd'hui on est mardi et comme chaque jour, je vais au collège. Je suis en classe de 6ème, et d'après mes profs, je suis un petit chenapan. Pour le moment, c'est tout ce que vous saurez sur moi.
Après m'être frotté énergiquement les yeux, je me redressai et regardai l'heure sur mon portable.
_ Oh putain !!! ne puis-je m'empêcher de m'écrier en me levant tel un diable sortant de sa boîte.
Sur le moment, je m'attendais à ce que ma mère entre pour m'engueuler et me rappeler à l'ordre. Mais la surprise était telle ! Dix heures étaient marquées sur l'écran, alors que chaque matin je me levai à sept heures. Comme assez souvent, je n'entendais pas le réveil sonner, mais ma mère n'oubliait jamais de le faire lorsque ça s'avérait nécessaire. Ce n'était pas normal. Si ça se trouve elle avait 40 de fièvre et ne pouvait pas se lever. Elle dormait sûrement. Deux solutions s'ouvraient à moi : me préparer en vitesse et aller au bahut ; ou alors aller voir d'abord où était ma mère. Dans tous les cas, ça allait être ma fête, alors autant prendre le temps d'être un bon fils. Je sortis de ma chambre en l'appelant. Après avoir visité la cuisine, je me dirigeai vers la chambre des parents. En entrant, je restai pendant de longues secondes pétrifié. Ma mère et mon père étaient allongés sur le lit. A première vue, cette scène me parut insolite, car mon père partait tous les matins à cinq heures. Deuxième détail qui retint mon attention, c'était qu'en étant sur le dos, il ne ronflait pas (ce qui était exceptionnel). Puis, autres détails, qui étaient encore plus importants et impressionnants, c'était qu'ils avaient tous les deux des blessures rouges, à quelques endroits il y avait des traces de sang, et leur visage était boursouflé.
Pu...tain !! réussi-je enfin à articuler.
Puis je me précipitai à leur chevet pour les secouer tout en les suppliant de se réveiller. J'avais les larmes qui montaient. Mais rien à faire. Soudain, je vis un truc velu sortir d'une narine de mon père. Je me mis à hurler tout ce que mes poumons pouvaient supporter, puis je vomis tout ce que je pouvais au pied du lit. Désolé, mais je n'ai pas pu m'empêcher. La scène était horrible, et ce qui se passait, là, c'en était trop !
Je m'enfuis dans ma chambre car c'était intenable. Après avoir pleuré toutes les larmes de mon corps, je pris mon portable, et fis le numéro de ma grande soeur qui passait les semaines à Paris pour ses études. Je lui expliquai tant bien que mal de ce qui s'était passé, et lui demandai des conseils sur ce qu'il fallait que je fasse. Après une longue discussion, elle m'assura, bouleversée, qu'elle prenait le premier train.
Je téléphonai ensuite aux collège, samu, police, pour expliquer la situation. Et comme si c' était déjà trop facile à gérer, j'eus un mal fou pour avoir des personnes compétentes ! Apparemment, pas mal de personnes étaient absentes de leur travail. Epidémie ? Ou bien... ? Qu'est-ce que je raconte moi ? Allô la terre, on est pas dans un film d'horreur là. En attendant la suite, j'essayai d'appeler mon meilleur pote, c'était l'heure de la cantine.
_ Salut Pierrot.
_ Hé ! Xav ! Pourquoi t'es pas ici ? T'es malade ?
_ Non. Non.
Puis je fondis en larmes. J'expliquai tout à mon copain. Pendant quelques secondes, il resta silencieux puis il dit d'un ton impressionné :
_ Elle est trop zarbie cette journée.
_ ...
_ Y a pleins d'absences aujourd'hui, je ne sais pas ce qui se passe. Et on nous a rien dit. Par contre, les keufs sont venus, et crois moi, ils n'ont pas été déçus de leur passage. Ils étaient impressionnés du taux d'absentéisme, ça se voyait trop. T'imagines ! Même le proviseur n'était pas là pour les accueillir. Mais je n'en sais pas plus.
_ Tu crois qu'ils sont malades, ou qu'ils sont ... morts ?
_ Morts !
Pierre éclata de rire.
_ Tu crois qu'un tueur en série s'amuse à flinguer du monde au hasard ??!!
_ ...
_ Non, sois sérieux ! Ici, y a jamais ou presque jamais eu de problème.
_ Ils sont peut être morts comme mes parents...
_ Attends, ça serait trop surréaliste ! Ils seraient tous morts d'une façon inconnue ? Les jeunes, les vieux,...
_ Je sais que c'est incroyable mais ça se pourrait ! Tu n'as pas vu ce que j'ai vu ! Je sais pas comment ils sont morts, mais ce qui était encore plus horrible, c'est quand j'ai vu une petite araignée sortir du nez de mon père !!! J'ai failli tomber dans les pommes j'te jure !
_ OK, mais c'est quand même difficile à croire ce truc. Tu ne crois quand même pas qu'une petite araignée ait pu tuer tes parents ?
_ Non, bien sûr que non. Quoique à ce stade, peu de choses m'étonneraient. Mais là, je suis à peu près sûr que c'est impossible.
_ Sauf si c'était une espèce très vénineuse.
_ Non, c'était une petite araignée classique qu'on croise souvent dans les habitations.
_ Ah... Ben alors, je peux pas te dire... Bon, je suis désolé... je dois te laisser. Je t'appellerai ce soir.
Je raccrochai. Je m'aperçus que cela m'avait fait du bien de lui parler. Je me sentais le courage d'affronter la suite des événements. L'après-midi me sembla passer aussi vite qu'un éclair, car j'avais l'impression que rien n'était réel. J'avais l'impression de flotter. Les deux passages les plus durs ont été de voir partir mes parents sur des bracards, ensevelis sous un drap, et répondre aux questions de l'inspecteur. En ce qui le concernait, j'ai tout de suite été très clair tellement j'avais peur qu'on m'accuse au fond de moi : je lui ai bien juré, que j'étais innocent, que je n'avais strictement rien fait. L'inspecteur Dougne m'a cru sur parole et il a passé pas mal de temps à me rassurer. Ca s'est plutôt bien passé finalement, en ces circonstances.
Deux heures plus tard, alors que je me retrouvais tout seul à la maison, Patricia arriva enfin. Nous nous serrâmes dans les bras et pleurâmes pendant de longues minutes. Puis nous discutâmes longuement de ce qui allait se passer les jours prochains. Ma soeur prévint mes grands parents qui habitaient à quinze kilomètres environ d'ici, et ils convenèrent que maintenant j'allais vivre chez eux. Perso, je préférais ça plutôt que d'être placé en famille d'accueil. J'allais tout de suite préparer mes affaires. J'essayais de ne pas trop prendre de choses car je savais que dans un ou deux jours on allait revenir ici pour prendre le reste.
A 19 heures, on arriva dans la jolie et vieille maison de papi et mamie. C'est sûr qu'elle ne payait pas de mine, mais elle était un peu lugubre à mon goût. Mais par contre, j'adorais l'intérieur ; Il était trop classe !
Le gros point noir une fois là bas, est qu'il fallut à nouveau tout raconter. Ca devenait franchement lourd à force. Et fatalement, toute la scène repassa devant mes yeux. Je crois que ça va me hanter pendant très longtemps. Heureusement, Pierre, Pierrot mon meilleur ami, m'appela sur mon portable.
_ Salut. Ca va ? j'ai des nouvelles ?
_ Ah ?
_ De ce que j'ai pu glaner comme infos, c'est que d'autres apparemment seraient morts comme les tiens. Et une rumeur circule que la cause serait les araignées. Ceux qui sont morts cette nuit ont été retrouvés avec des tas de morsures, principalement sur le visage, et du venin a été retrouvé dans le corps. Je pense que cette rumeur est vraie car j'ai entendu madame Crout en parler à ma mère. Et tu sais que cette femme ne se trompe jamais.
A ces paroles, je me raidis, et devins blême.
_ T'es sûr ? Je... je ne peux pas le croire... Pourquoi... pourquoi elles feraient ça, c'est horrible ?!
_ Je ne sais pas. Mais si c'est vrai, il vaut mieux rester sur nos gardes. Moi aussi, je commence à avoir la trouille...
Je raccrochai, tel un automate, le regard perdu dans le vide. Aux supplications répétitives de ma soeur et mes grands parents, j'expliquai tant bien que mal ce que Pierre m'avait raconté. J'aurai largement préféré reçevoir un seau d'eau glacé sur la tête. C'était un pur cauchemar, et je voulais vraiment me réveiller. Je suis pourtant réputé pour être un p'tit gars courageur, mais ce que peu de personnes savaient, c'était que mon gros point faible, c'était les araignées. J'en avais une phobie monstre. Même en voir une en photo me faisait trembler. Je faisais tout pour les éviter. Quand, malencontreusement, j'en voyais une, je quittais instantanément la pièce d'où j'étais, et j'implorais mes parents de faire quelque chose quand il y en avait une dans la maison. Chez nous, seule ma chambre était anti-araignées. J'y faisais le ménage tous les jours, ce qui faisait que ça les décourageait de s'y installer. Contrairement à moi, Patricia les adorait, et leur vouait une grande passion. Enfin... jusqu'à ce soir. Les infos de Pierre l'ont refroidie.
Nous passâmes toute la soirée devant la cheminée. On parla beaucoup, on s'amusa à des jeux de mots. C'était plutôt sympa. A minuit, je me retranchai dans ma chambre, les laissant discuter. Bien douillet dans mon lit, je commençais à me laisser dériver vers le sommeil, quand des cris perçants me firent sursauter. Sans chercher à comprendre, je bondis hors de mon lit, et sans prendre la peine d'enfiler mes chaussons, je descendis en bas, où tout le monde était encore lorsque je les avais quittés. Je m'arrêtai tout net. Le spectacle que j'avais devant moi était effroyable, cauchemardesque : Mes grands parents se faisaient attaquer par des araignées. Impossible de dire le nombre exact ; Peut être entre trente et cinquante. J'exagère peut être un brin. Elles étaient toutes sur eux deux. Patricia hurlait, sans trop savoir quoi faire. Papi et mamie criaient et faisaient de grands gestes pour les chasser. Mais petit à petit, ils se défendirent avec de moins en moins d'énergie. La surprise passée, la colère prit place sur la peur pour ma soeur, qui fit le geste de prendre un balai qui était non loin d'elle. Mécaniquement, je parvins à dire, sans que mes yeux ne se détachent des araignées tueuses :
_ Non... ne fais pas ça...
Elle me regarda un instant d'un air ahuri. Mais ma légère intervention ne l'a pas freiné pour autant. Je poursuivis ma phrase aussi calmement que je pouvais :
_ Elles vont t'attaquer... aussi.
Ma soeur n'en avait rien à faire de ce que je racontais. Elles se mit à les attaquer, à les repousser, à en tuer certaines, même. Mais ça n'a pas arrêté ces monstres. Et comme je l'avais prédis, une fois qu'elles en aient terminés avec mes grands parents, elles attaquèrent Patricia qui se défendait comme un beau diable. J'admirai son courage. Alors que moi, je restai pétrifié, sans pouvoir bouger. J'étais paralysé par la peur. Papi et mamie avaient des visages presque méconnaissables. Ils étaient tout rouges, tout boursouflés. Ma soeur perdit elle aussi assez rapidement le combat. Malgré cela, les araignées avaient l'air encore énervés, et semblaient hésiter sur la marche à suivre, sur le fait sans doute, s'ils fallaient qu'elles me tuent ou pas. Je reculai lentement de deux pas puis je leur parlai doucement en espérant bizarrement qu'elles me comprennent :
_ Ecoutez... Je ne vous ai jamais fait de mal... Je vous ai toujours évité... on n'a aucun désaccord, OK ?... Laissez-moi tranquille... Je vous en supplie... Vous n'avez rien à craindre de moi.
Pendant mon discours, elles semblaient me "regarder attentivement". C'est l'impression que j'ai eu. Puis, dans le plus grand silence, les rescapées se retirèrent.
Et plus jamais, je n'eus de problèmes avec elles.