La vie de Varsovie

chevrierl

20 ans et Varsovie devant soi

"ÇA Y EST !"

Je claque la porte, fais voler mes valises et me jette sur le lit: je suis épuisée. Après une bonne journée de car, des arrêts dans le froid allemand, puis celui polonais, me voici enfin arrivée à Varsovie !

Varsovie... Cette ville sur laquelle je projette tous mes rêves les plus fous depuis un an déjà, s'élève maintenant devant moi. À la fois ancienne et moderne, froide et chaleureuse, la ville-phénix  se montre plus incroyable encore lorsque l'on y pénètre. C'est en tout cas ce que j'en devine depuis la fenêtre de ma chambre, louée pour l'occasion. Car cette fois-ci je me suis organisée. C'est mon premier voyage en solitaire, décidé il y a une douzaine de mois déjà. Je m'était dit qu'à 20 ans, il était temps de vérifier le proverbe: "Les voyages forment la jeunesse". Mais pour l'heure, je m'assoupi dans mon grand lit tiède, écrasée de fatigue. La jeunesse attendra demain.

Je me réveille brutalement en cette matinée de février. Songeant déjà aux aventures qui m'attendaient dehors, je sentais l'excitation monter inéluctablement, telle une Don Quichotte d'un nouveau temps. Alors, je sors dans la lumière. Je m'expose aux timides rayons du soleil polonais, recouvrant la capitale d'une étrange teinte orangée. Mais comme le héros de Cervantes, je me trouve confrontée à quelques désillusions... Pour le moment, la grande aventure, c'est surtout le froid glacial de Varsovie. Et je me sens d'autant plus ridicule que je vois des Varsoviens qui ne semblent même pas s'en apercevoir, déambulant en t-shirt. Mes pieds sont glacés et je me rue dans l'édifice le plus proche. Le musée de l'insurrection.

Devant moi, un avion de la seconde Guerre mondiale suspend indéfiniment son vol. Des mises en scène de la vie quotidienne de l'époque rappellent un temps douloureux pour la Pologne, marquée à jamais. Dans l'ascenseur, les chants des résistants résonnent, et mes pieds congelés ne sont déjà plus qu'un lointain souvenir. J'étais venue pour la chaleur, je suis repartie avec toute autre chose. Ma première aventure était donc celle-ci. L'histoire de Varsovie me laissait sans voix, je sentais que ma soif de la ville n'allait pas s'épancher de si tôt.

Je quitte le musée, toute emplie d'images des années 40. La température ne me fait plus peur et j'avance sans savoir où mes pieds, désormais dociles, vont me mener. Dans la rue, je laisse passer un tracteur... Un tracteur ?! Inimaginable à Paris ! Et pourtant ! C'est bien le spectacle qu'offrent les rues de la capitale polonaise, atypique. Ici, je vois les manteaux en fourrures côtoyer les sandales, comme les voitures de luxe jouxtent les véhicules des paysans. Cet étrange bal rend le lieu irréel, tel un rêve infini dans lequel on serait plongé les yeux ouverts. Les maisons et monuments dans des tons crèmes, rose pâle, vert d'eau, ou jaune orangé renforcent avec poésie, cette atmosphère onirique... Les cris de mon ventre viennent arrêter ces pensées lyriques: J'ai la dalle.

Alors, je prend place dans un petit restaurant aux allures intimistes et conviviales. Une serveuse vient m'apporter la carte: soupe, soupe, et encore soupe. Tout un pan de la culture polonaise se déroule ainsi sous mes yeux, à travers les menus. C'est bien-sûr ce moment-là que mon côté aventurier choisit pour se manifester à nouveau: "I will take a Żurek, please". Car clairement, je pars pour l'aventure. Après avoir regardé rapidement sur mon portable, je découvre que Żurek est en fait traduisible en français par "soupe à la farine". Je songe déjà à prendre les jambes à mon cou en faveur du premier fastfood du coin. Malheureusement, la serveuse est plus maligne que moi "Here is your plate, miss !". Peu ragoûtant, cette affaire. Pourtant, n'ayant pas l'habitude de cracher dans la soupe (sans mauvais jeu de mot), je me lance. Bon. Finalement, ce n'est pas si mauvais. C'est même plutôt agréable quand on sait qu'il neige dehors. Je deviendrais presque polonaise, moi...

Un coup de fil de mes parents vient me rappeler à la dure réalité française. "Oui, je vais bien. Oui, maman... Ils ont même réussi à me faire manger de la soupe. En fait, je pense que je vais même rester une semaine de plus, tu vois."



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