Sous les ors de République

sisko

Dans un appartement mansardé de la Capitale, un mariage non-civil et non-civilisé se déroule.

Je t'attendais ici depuis plusieurs heures, un genou à terre, à espérer que tu comprendrais les instructions laissées sur ta table de nuit, dans l'enveloppe qui contenait un billet de train, un plan maladroitement dessiné, une clé d'appartement.

Mon choix s'était porté sur un studio d'artiste, le genre hipster parisien, mais sympa. La bonne humeur était de série, mais la moustache en bonus ; j'ai donc proposé un leasing de fin de semaine, sans aucune intention de lever l'option d'achat. Arrivé dans le studio d'artiste dans lequel j'avais navigué de pièces en onglet, j'ai poliment pris congé de mon hôte qui n'avait aucune idée des célébrations œcuméniques qui se préparaient dans son nid douillet.

Sous les toits de République, nous nous sommes mariés, mais tu ne le sais pas encore. Toi, avec tes raideurs teutoniques mâtinées d'un latinisme tardif, et moi, Français régionaliste en exil européen. Sous le vasistas, une pluie lumineuse chuintait en guise de parade nuptiale. La baignoire en sabot s'était faite détartrer l'émail et aucun objet n'apparaissait incongru, même le chameau miniature qui traînait la patte sur les poutres en bois.

Quand tu as poussé la porte de la studette, essoufflée par les huit étages sans ascenseur qui se dissimulaient dans la cour intérieure, tu n'as rien dit. Tu as fait comme si tu rentrais dans une pièce de plus, en chassant d'indifférence l'orchestre électronique, les flammes parfumées et les rubans colorés. Tu as posé ta valise à côté de la roue en bois, tu as jeté un coup d'oeil autour de toi et tu t'es enfermée dans la salle de bain. J'avoue que j'en suis resté coi, avec mon costume une-pièce en velours satiné vert-grenouille. Alors j'ai déposé mes fleurs en plastique sur l'escabeau pré-nuptial et j'ai commencé à compter les minutes, avec mon air boudeur.

Au bout de 12, car je suis superstitieux, je me suis dirigé à grand pas, même s'il n y en avait qu'un à faire, vers la cloison à poignée qui nous séparait. Tu en as actionné le mécanisme alors que je m'apprêtais à tambouriner. Tu es apparue ébouriffée, les vêtements déchirés ; tu as déversé un milliard de poignards gelés sur ma peau.

J'ai alors enfilé mon chapeau de cow-boy et dégainé ma Winchester en plastique qui ne s'enrayait jamais, bien décidé à n'appliquer aucune disposition de la Convention de Genève. Les plus belles batailles sont celles qui restent à mener.

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