L'air de Ré

cloe

C'était là, en débouchant d'une allée pavée couverte de ces grandes fleurs qu'on appelle roses trémières qu'elle posa enfin ses valises, se soulageant avec elles d'un peu du poids coincé dans sa poitrine.

Des pierres apparentes, des volets bleus clairs, un joli cadre pour oublier.

Le voisin lui remit gentiment la clé sans plus de commentaires après avoir vérifié sa carte d'identité, et elle pu découvrir son nouveau pied-à-terre pour l'été. La bibliothèque évoquait les lectures dans lesquelles elle avait désormais peur de se plonger, la crainte qu'un personnage lui ressemble, qu'une scène ravive les images qu'elle s'était juré d'oublier. Un an qui s'était écoulé à la fois si longuement et si vite qu'elle n'avait pas l'impression d'avoir fait ne serait-ce qu'un pas vers son deuil tant convoité.

En fermant la porte de la petite maison, elle se rendit compte que rien ne l'attendait ici, pas avant le lendemain en tous cas. Pas de rendez-vous, personne pour lui dire ce qu'elle devrait faire, ce qu'elle devrait éviter. Elle sourit en y pensant : personne ne l'attendait ici, pour la première fois depuis bien trop longtemps, elle était libre et c'était un sentiment plaisant.

Dédales de ruelles colorées, fleurs parfumées roses, blanches, violettes et jaunes, il faisait bon marcher sans savoir où on allait arriver.

C'est ce qu'elle fit jusqu'à enfin apercevoir un rai de mer bleue, sali par le vent et le sable qui remontait en surface. Un pêcheur à l'air maussade remballait sa canne, probablement rendue inutilisable par les rafales qui venaient du large. Une dame en maillot de bain, la soixantaine, sortit de l'eau et lui sourit en récupérant une serviette de bain à l'arrière de son vélo rangé contre la balustrade.

Ce sourire lui réchauffa le cœur. Un geste simple, une ride amicale.

Sans vraiment savoir comment, elles se mirent à parler de l'île, de ce qu'elle fuyait en venant ici, de ce que la dame et son mari, le pêcheur bougon, faisaient de leur retraite. Elle les suivit jusqu'au terrain de boules où ils l'initièrent à la pétanque. Plier les genoux, arquer le bras, viser le cochonnet, pointer, tirer. La concentration eut raison de son chagrin ce jour-là, et lorsqu'elle rentra dans la petite maison ce soir là, après s'être perdue une fois encore dans les ruelles de Ré, elle ne le remarqua pas mais son voisin en était le témoin : le coin des lèvres qui s'arquait, un front moins froncé, des joues plus rosées… Le départ d'une nouvelle vie qui prenait racine dans ce petit coin d'Atlantique.

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