Ma participation au concours "48h pour écrire" d'Édilivre (sur le thème du courage).
Prosternée sur le sable mouillé. Jetée à terre par la nausée.
Mais elle n'a rien à rendre, rien à recracher, si ce n'est l'espoir qui lui restait.
Elle y croyait tellement, cette fois...
Une colère sourde gronde en elle, qui l'empêche d'entendre le remous des vagues, le grincement des amarres. Elle touche presque le sol de ses paupières closes.
Comment a-t-il pu ? Comment a-t-il pu ?
Les larmes coulent dans sa bouche. Une amertume de plus dans son corps brisé par le choc.
6 mois qu'il n'avait rien bu. 6 longs mois...
Et voilà qu'il foutait tout en l'air !
Avait-il seulement hésité ? En commandant la première ? Avait-il pensé à elle ?
Il avait probablement chassé l'idée comme on balaye une poussière.
Mais comment avait-il pu oublier ?
Le calvaire, la chute. L'accident.
Puis la lente remontée de la pente, pas à pas, comme un enfant.
Le corps tremblant par le manque, les douleurs, les sueurs, l'insomnie ! Des semaines entières pour, petit à petit, réapprendre à être, retrouver le goût des choses, de la vie.
Se relever, se remettre à marcher. Seul. Sans cette corde qui le pendait au ralenti.
Et elle ! Elle l'avait retrouvé. Enfin retrouvé.
Lui, son odeur, sa chaleur. Son esprit.
Sans l'alcool pour l'embrumer, elle était de nouveau fascinée par la finesse de ses pensées.
Ça faisait tellement longtemps qu'elle l'aimait.
Elle ne se souvenait même plus à quoi ressemblait la vie, avant lui.
Dès leur rencontre, c'était lui. Elle ne voyait plus que lui. Il était tellement différent, brillant, insolent, insaisissable, électrisant.
Ivres d'amour qu'ils étaient !
Mais voilà qu'un jour, il était ivre tout court. Tout court et tous les jours.
Elle avait beau y repenser et fouiller dans leur passé, elle ne se rappelait pas un événement précis, une date, un jalon qui aurait marqué le début de l'enfer.
Il n'avait pas sauté, il n'était pas tombé. Il avait basculé lentement.
Et quand elle s'en était rendu compte, le Temps avait déjà eu le temps. Il était trop tard.
"Tout, plutôt qu'une autre femme!". Bêtement, c'est ce qu'elle s'était dit un soir.
Quelle énormité ! Quelle naïveté !
La séduction n'est rien pour un homme englué dans l'alcool.
On ne le repêche pas, il se noie chaque jour un peu plus.
Car le poison est partout, il infiltre tous les interstices.
Pas besoin de se cacher pour céder au vice. Pas besoin d'être seul non plus.
La réunion de famille, le pot du collègue, la fin du contrat, le départ d'un ami... Bonnes et mauvaises nouvelles sont autant de prétextes pour se griser, s'enivrer.
Et l'aveuglement crasse de l'entourage ! La lâcheté des proches qui savent, au moment opportun, fermer les yeux ou se laver les mains.
C'est qu'on se sent toujours bien une blonde à la main !
Alors pourquoi gâcher la fête ?
Car c'était ça, au départ, l'argument : « faire la fête », « voir les copains ».
Tu parles de copains ! Ils boivent ses mots comme lui, au goulot.
Mais est-ce qu'il sont là, quand il faut ?
Quand il reprend le volant, avec 3 grammes dans le sang.
Quand il rentre mauvais, violent, dévastant tout l'appartement.
Quand il vomit le reste de la nuit.
Quand il est incapable de parler, de se lever, de baiser.
Quand la moindre conversation tourne à l'agression.
Quand il est tellement mal qu'il se fait mal, se frappe, se mutile.
Toute cette souffrance. Ce mal-être.
Après, c'était ça qu'il lui reprochait. De ne pas comprendre.
"Laisse moi. Laisse moi, j'te dis ! Tu piges rien."
Ce débit traînant, languissant.
"Et puis, qu'est-ce que tu en sais, d'abord ?"
Qu'est-ce qu'elle en sait ? Mais elle en sait rien, putain !
Elle en sait rien, mais elle sent. Elle sent le vin sur sa peau, les vapeurs dans sa voix. Et cet autre dans le regard. Cette aigreur fétide, à peine contenue.
C'est lui-même qu'il méprisait, mais c'était elle qu'il engueulait. Et qu'il traitait de tous les noms.
Ha ça, après, il regrettait, il s'excusait, toujours platement.
La queue entre les jambes, il suppliait.
Elles les avaient tellement entendues, ses promesses du lendemain, ses longs serments ! Après la fièvre, les sentiments. Le chantage.
"Je ne tiendrai pas sans toi. Manu. Ma Manu... Me quitte pas."
Ce n'est pas tant qu'elle le croyait, mais les faits sont là, elle n'est jamais partie. Jamais plus d'une nuit.
C'est vrai ça, pourquoi elle est jamais partie ?
Et pourquoi là, bon sang ! à la lueur du jour naissant, elle sent qu'une fois de plus, elle restera auprès de lui.
Mais parce qu'elle l'aime encore, cet abruti !
Encore et toujours. Malgré elle, et malgré lui.
Bien sûr qu'il l'étouffe ! Mais comment respirer en son absence ?
Vivre avec lui est impossible, mais le quitter est impensable.
Elle est là, la vérité. Elle est accro à lui, comme lui à ses bouteilles. Il est sa drogue, sa dose, sa flamme.
Cette sensibilité à fleur de peau, cette façon qu'il a de porter ses défauts comme un étendard, là où tous les autres les planquent sous la surface. Elle aime les aspérités qu'il ne cherche jamais à cacher.
Il y a chez lui une absence totale de vanité qui la trouble et la touche.
Bien sûr qu'elle restera. Hors de question de baisser les bras !
Lentement, elle relève la tête. Avec l'air frais du large, elle se redresse et fait face.
De toute façon, elle a trop de rage. Trop de rage en elle. Alors autant se battre.
Quelle qu'en soit la cause, elle l'a suivi dans la débâcle. Elle s'est enfoncée, à ses côtés, dans cet infâme marécage.
Alors s'avouer vaincue ? Jamais !
Une fois de plus, elle sera là, fidèle au poste. Le bon soldat. Le doc, le coach, la psy, l'infirmière, la mère.
Elle lui pardonnera, lui parlera.
"Bien sûr que tu peux le faire. Souviens toi, la vie, sobre... Comment t'étais fier ! Comment tu te sentais bien, sans cette saloperie au quotidien. Tu peux le faire."
Mais oui, bien sûr qu'elle restera. Et il s'en sortira. Ils feront front, d'un seul et même bloc.
Fini, les nuits d'angoisse ! L'attente interminable, à toujours imaginer le pire.
Bientôt, c'est sûr, ils iront ensemble, à nouveau tous les deux, célébrer la paix retrouvée, une nouvelle sérénité.
Un seul doute la tenaille.
Une faille.
Une brèche dans son ultime plan d'action-sauvetage.
À trop jouer les mères, sur la route du courage, peut-elle encore être la sœur ?
L'âme sœur.
J'sais pas pourquoi, c'st con, ça me touche. Coup de cœur..
· Il y a environ 10 ans ·dreamcatcher
Merci beaucoup!! Plus encore que le coup de coeur, de savoir que mon histoire t'a parlé, c'est déjà beaucoup pour moi.
· Il y a environ 10 ans ·Nicole Bastin