L'amour est laid

intermezzo

Dans un appartement haussmannien, une grande chambre plongée dans la pénombre, envahie d’objets quotidiens qui recouvrent tout, et qui forment des tas un peu partout, donnant une impression d’envahissement incontrôlable, de décadence aussi. Au milieu, un lit. Il y a dans un coin de la chambre, posé en équilibre sur une petite montagne d’objets, un fauteuil club sur lequel Guillaume Grand est visible lors des playbacks.

 Lorsque la chanson commence, un jeune homme, allongé sur son lit, se réveille. Son visage est marqué par des griffures sous les yeux, là où ont coulé des larmes, il a l’air sale. Le plan s’élargit, il est seul dans un lit où il semble qu’une autre personne ait été couchée avec lui. A la place de la personne partie, un bouquet de roses fanées. Des pétales séchés sont éparpillés sur les draps. Le jeune homme se recroqueville, frissonne. Il se lève lentement, tristement, trébuche sur les nombreux objets sous lesquelles le sol n’est pas visible, des boites, des sacs, des bouteilles, des livres, des vêtements, des ordinateurs, des fils, des assiettes, des papiers, des billets de banque. La caméra le suit dans un ample mouvement. Il parvient enfin à atteindre la fenêtre, il tire les rideaux, une lumière sale, grise éclaire à peine l’intérieur. La caméra glisse du visage du jeune homme à la fenêtre. Dehors on ne distingue rien d’autre que les nuages, un ciel pluvieux sur une ville morne. On voit alors la chambre entière, puis le jeune homme qui se retourne. La vue de la chambre ne provoque aucun changement dans son regard las.

Au fond de la pièce, il aperçoit alors quelque chose. Il se rapproche : c’est une main de femme qui dépasse d’un des tas d’objets. Il s’en rapproche difficilement, moitié courant, moitié rampant. Les plans se succèdent dans un rythme saccadé. Il écarte les objets autour de la main, dégage un bras, le commencement d’un torse, il arrache les pages de magazine, les photos de mannequins qui forment une couche épaisse autour du corps. A mesure qu’il creuse la lumière se fait plus vive dans la pièce. Il met à jour la jeune femme tout entière, qui ouvre les yeux, le regarde amoureusement, l’enlace, et caresse son visage pour en faire disparaitre les marques et la saleté. Ils se couchent face à face, se contemplent dans une douce et chaude lumière. Il passe sa main sur l’épaule de la jeune femme.

Ils sourient paisiblement, à mesure qu’ils s’enfoncent peu à peu sous les objets, et disparaissent.

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