L'amour, réducteur ?

compteclos


Il y avait son odeur de femme indépendante sous la mezzanine. Je m'amusais à dessiner avec la fumée s'échappant de mes lèvres, quelques étoiles immolées dans un ciel de cuisine.

Il y avait encore son rouge à lèvres, oublié, sur le meuble blanc de son ancienne salle de bain, salle de bain qu'elle détestait car «  trop petite ».

Il y avait encore la marque de ses longues phalanges sur les meubles poussiéreux du living-room.

Et, j'étais là.

Vide, froid, à en être mort de polarité. C'était l'hécatombe réfractaire. Une révolution sans Che. Un anachronisme du Moyen-Âge. Une peinture de Picasso en traits parfaitement coordonnés. Un joyeux bordel saupoudré de tristesse irréparable.

Je crois que j'étais beaucoup plus las que là. Mais je vivais, je respirais, certes, son odeur n'était plus dans l'antre de mes narines, ni même au creux de ses cheveux que mes mains agrippaient avidement.

Mes ongles cassant ses joues, ses oreilles, son menton, ma bouche effleurant ses lèvres entrouvertes et ma langue parcourant son cou.


Peut-être était-ce cela l'amour ; la perte. L'amour réciproque est trop égoïste pour être réel.

Peut-être était-ce cela l'amour ; la solitude de sentiments inégaux.

Peut-être que c'était ainsi, peut-être que l'existence prédéfinie laisse place au destin.


Comment pouvais-je avoir des pensées ainsi ?

Moi qui vomissais les banalités, les croyances et les amours niais.


Il faut croire que les choses changent.


Non.


Rien ne change. Seule, la médiocrité sait prendre place lorsque chagrin et douleur se bousculent dans un seul et même être.

Alors, nous continuons d'avancer, nous errons dans des linceuls d'amours éteints et nous rions de nos stupidités en séchant nos larmes d'un revers de manche.


Si aimer est réducteur alors je veux être la personne la plus réduite au monde.
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