L'ange nu

Brigitte Bianco

J'ai grandi en lisant des Contes De Fées,

En jouant à la poupée

Dans une maison en lisière de forêt.

Quand j'ai rencontré le Grand Méchant Loup,

J'étais allé cueillir du houx,

Une écharpe rouge autour du cou.

Ingénue, j'ai cru au Prince Charmant ;

La Belle prenant La Bête pour amant !

L'Ange tombé des nues fut esclave du méchant.

Si j'avais lu autre chose

Que la « Bibliothèque Rose »

J'aurais caché ma fleur fraîche éclose !

J'aurais su qu'il existe des « Marquis De Sade »,

Avides de flétrir la pureté du jade,

Qui pensent qu'aimer sans faire souffrir est fade.

Loin des Bois Dormants, ce Mauvais Génie

Me captiva ; L'Ange nu fut banni,

Enjôlé loin du Paradis.

Je devins la soubrette de ce Démon,

Son Ange déchu, sa Cendrillon,

Au fin fond d'un Enfer sans nom !

Pour mon malheur, je découvris avec horreur,

Ce que les livres d'enfants cachent par pudeur.

Je sais, incarnée en mes chaires, La Douleur

Dans toute son atrocité et le dégoût

Jusqu'à la nausée des miasmes de l'égout ;

Ce « désamour » dans la violence des coups !

Je sais les outrages des mâles, du Mal

Profanant mon âme de fantôme pâle,

   M'injuriant -  « Catin, tu es sale ! » 

Moi, je rêvais de Princesses, d'Enchanteresses !

Dans le feu éteint de mon regard, ma détresse

 S'affiche telle leur bestialité qui me blesse !

Ils s'amusent de moi, comme d'une poupée,

Me dévêtissent pour me donner la fessée,

Me jettent après m'avoir désarticulée.

Ma peau est marquée tel un parchemin,

Par le fouet qu'ils tiennent à la main,

Sanglante peau de chagrin !

Mon cœur se glace lorsqu'ils m'enlacent.

De me voir suppliciée, jamais ils ne se lassent !

Je voudrais être « La Fée Des Glaces »

Et transpercer leurs âmes d'un froid glacial

Alors qu'ils déchirent mes entrailles.

J'irais danser à leurs funérailles !

Petites filles à l'âme immaculée,

Ne croyez pas aux Contes De Fées.

Des beaux parleurs charmeurs, vous devez vous défier !

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