L'année commencera bien

ella

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La musique emplit ta tête, ton cœur, s'infiltre dans tes poumons jusqu'au plus profond de tes os. Ta respiration est saccadée, tu sais que tu vas être épuisée, et pourtant tu ne t'arrêtes pas. Tu danses.

Tu danses sans penser à tes mouvements, tes gestes sont désordonnés. Tu te doutes bien que tu dois être ridicule, tu serais même prête à parier que tes amis te regardent étonnés, mais tu t'en fous. Tu pourras toujours mettre cela sur le compte de l'alcool, tous y ont touché ce soir et tu as trop besoin de te défouler pour que leurs regards t'importent.

Tu danses et tu te libères de toutes ces choses que tu n'as osé dire ou faire, de toutes ces choses qui t'ont fait étouffer et dont tu veux te débarrasser. Les doutes et les colères qui t'ont secouée, les blessures que tu n'as pas su cacher, les secrets que tu ne veux dévoiler. La foule te compresse mais lorsqu'elle vibre, tu vibres avec elle ; comme si vous n'étiez qu'un seul corps vivant et respirant sans autre but que d'exister. Tu danses, et tu te rends compte que tu en avais mortellement besoin.

Les lumières clignotantes des spots t'aveuglent, tu as l'impression que le monde autour de toi n'est qu'une masse sans contour. Tu vois le DJ là-haut derrière ses platines et un barman plus loin remplissant des verres ; mais tout deux pourraient bien s'arrêter que ta bulle ne crèverait pas. Tu as l'impression de planer.

Tu te sens euphorique, un grand sourire maquille ton visage. Pour un peu, tu aurais envie de rire ou de chanter. Tu n'as pas bu un seul verre pourtant ; ton seul cocktail est ce feu en toi. L'alcool ne peut t'aider à oublier, mais la danse y parvient.

Et puis tu la sens. La douleur. Pointue, précise, juste sous ton poumon gauche. Instantanément, tu te crispes. Tu halètes. Tu as mal, tu dois t'arrêter. Ton corps te parait lourd, tu te laisses maladroitement glisser sur une banquette noire, près de tes amis.

Tu ne planes plus, tous tes sens sont au contraire exacerbés. Tu es parfaitement lucide : tu sens la foule qui continue à bouger non loin de toi, comme tu sens la pointe trop aiguisée. Tu voudrais retourner danser ; mais au moindre geste la douleur t'élance, l'air te manque. Tu ne peux qu'être spectatrice.

Tes amis te charrient un peu, certains te demandent si ça va. Tu te retiens de les envoyer balader, tu réponds que oui. C'est le Nouvel An, c'est la fête, il n'y a pas de raison pour que ça n'aille pas.

Sauf que très vite, tu n'en peux plus. Tu sens un besoin impétueux de bouger monter en toi, chacune de tes cellules semble te crier de te lever. Tes membres sont pris d'une fièvre bouillante, mais ce point juste sous ton poumon est plus fort encore : contre lui, l'entièreté de tes muscles crispés ne peut rien.

Alors, pour te calmer un peu, tu chopes un verre au hasard parmi ceux dispersés sur la table basse devant toi. L'alcool te brûle la gorge mais tu l'avales cul-sec. Vivement demain, que l'année commence bien.

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