L'apache

petisaintleu

Chaque automne, c'était la même rengaine. Il se postait à la fenêtre et observait les feuilles se couvrir d'une teinte agonisante, balayées avec dédain par les bourrasques qui se hâtaient de faire place nette, livrant au gel des boulevards de désolation. Il se promettait qu'on ne l'y reprendrait plus. Dès l'arrivée de la belle saison, il s'octroierait une orgie de renouveau, il sillonnerait des chemins de traverse pour accompagner les montées de sève d'une flore rendue folle par le dard du printemps.

Puis, comme d'habitude, il recouvrait sa routine de reclus. Il s'avachissait dans un canapé fatigué d'endurer son fatalisme. Il tuait le temps qui le menait pernicieusement vers le point de non-retour, l'ère des regrets de ne pas avoir su échapper à une existence crépusculaire, en se délectant du violoncelle de Sibelius et de la prose de Guillevic. Le temps n'avait pas d'empreinte sur lui. Comment l'aurait-il pu, tant son quotidien frôlait le végétatif ? Les heures perlaient à peine, les jours stagnaient, les années s‘éternisaient.

Le fait qu'il ouvrit lorsque l'on toqua à sa porte tint du miracle. Il cligna des paupières, ébloui par la blondeur juvénile de la fillette tranchant avec l'ampoule retenue par les deux fils qui l'électrisait d'une lueur blafarde et qui transformait les ombres de l'escalier en d'inquiétants ectoplasmes. Elle lui sourit et lui proposa pour deux euros un bout de papier numéroté, sésame pour remporter un bibelot obsolète offert par un commerçant qui permettrait à sa classe d'organiser une excursion en mer. Pour faire cesser cette incongruité, il lui jeta dix euros à la face et se claquemura.

 Il la croisa deux semaines plus tard au supermarché, Golgotha où il devait subir le calvaire de s'acculturer aux mœurs consuméristes pour satisfaire ses besoins physiologiques. Il n'eut guère d'autre choix que de s'arrêter quand elle se campa devant lui en lui claironnant qu'il avait décroché le gros lot : un baladeur numérique. Elle eut le culot de le suivre jusque chez lui, ses hurlements faiblement amortis par le cérumen qui encombrait ses conduits auditifs. Quand, enfin, elle le quitta, nullement consciente de son monologue, lui annonçant qu'elle avait piscine, il l'épia derrière les rideaux pour s'assurer qu'elle ne reviendrait plus.

Elle ne reviendrait plus. Il la vit s'engouffrer dans une voiture de sport. Le surlendemain, las de supporter les plaintes de douleur de la mère, il se décida. Il ressortit son bon vieux parabellum et veilla à bien l'astiquer comme à la grande époque. Il se rendit dans le quartier interlope où on s'empressa de lui communiquer à qui appartenait le véhicule dont il avait pris soin de noter la plaque d'immatriculation. Il gagna les beaux quartiers. Il n'eut aucun mal à pénétrer dans le pavillon. C'est étonnant comme il est aisé de violer l'intimité d'un foyer. Il parcourut toutes les pièces, écœuré par tant de mauvais goût, entre le carrelage en marbre de Carrare, les sofas en imitation de panthère, jusqu'aux peintures choisies soigneusement pour promouvoir la réussite sociale, sans aucune intelligence pour un quelconque respect des arts.

Il ne rechercha pas le corps. La police se chargerait de l'identifier dans une cache au sous-sol. Il patienta deux plombes, découvrant dans la bibliothèque un bestiaire d'ouvrages originaux d'auteurs décadents. Il feuilletait Les Jardins des supplices d'Octave Mirbeau quand il perçut des pas dans le salon. Il écrasa machinalement sa cigarette sur la moquette, vérifia dans un miroir l'ajustement de sa cravate et rejoignit son hôte.

Il avait embrassé la foi à Fleury-Mérogis. À sa sortie, il coupa les ponts avec sa vie de malfrat et se consacra à l'étude des textes bibliques. L'espace d'un instant, il pensa lui éclater la cervelle à l'aide de son 7,65. Il le fixa puis le colla au sol. Il le remercia de sa voix de fausset qui dénotait avec son physique de lutteur cosaque et lui déclara : « C'est à Dieu de te juger pour ton ignominie. Nous nous reverrons certainement par-delà les portes de l'Enfer. Mais, je te suis reconnaissant de m'avoir ouvert les yeux en ce bas-monde. Elle se prénommait Wivine, l'amie de la forêt. Dès demain, je la retrouverai parmi ses frères sylvestres. ». Après l'avoir ligoté, il retourna l'arme contre lui. Sa cervelle éclaboussa une mauvaise imitation du Jardin des délices.

  • Peut-être réécrire le dernier paragraphe assez confus. Qui est le "il" ? Le meurtrier ou la victime ?

    De plus, cet être asocial, misanthrope, retiré de tout, pourquoi aurait-il écouté les pleurs de la mère éplorée ? Peu logique sur le plan psychologique.
    Et, pourquoi tuer ce meurtrier d'enfant ? Il devrait s'en moquer, non ?

    Le tueur qui tue le méchant est déjà vu : Hannibal Lecter, Dexter récemment...
    Texte prometteur donc, mais qui mériterait un vrai travail de réécriture afin d'améliorer le style et le fond.
    Mais, je suis difficile, car fan de littérature classique et populaire.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Ecureuilleurpluie

    mikado

    • Oui, il me manque juste un peu de temps... Mais j'en prends bonne note même si j'avais plutôt en tête la rédemption de mon personnage.

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Cp2

      petisaintleu

  • Une chronique originale et fort bien écrite , merci

    · Il y a plus de 6 ans ·
    W

    marielesmots

  • Ce début de texte est énorme!!!

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    enzogrimaldi7

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