L'arme.

L'arme fait perler la pluie salée.

L'arme fait couler le trop plein du dedans.

L'arme est au fond de mes yeux.

Affliction, douleur, détresse, mais aussi joie, grâce, rédemption. Mon arme peut combattre tout cela en lui donnant corps. L'arme est de larmes.

Je vois tant de choses dans le reflet des larmes. J'y vois des songes, des mondes, des personnages. Elles coulent, elles roulent, et le long de mes joues elles racontent une histoire. Elles adoucissent à s'en brûler les yeux. Mais à la sécheresse je préfère l'inondation. Parce que cela sort. Parce que cela exulte. Parce qu'il faut que cela déborde. Que seraient les yeux sans les larmes, sinon un écrin sans perles?

Elles se détachent et se jettent du haut des falaises de mon menton. Elles s'éclatent et s'éparpillent parfois au sol. Petits reflets de rien où s'animent tant de choses. Concentrés d'émotion, elles peuvent naître de rien. Un orteil dans un coin du meuble, une déception dans un coin du cœur, une grâce dans un coin de l'âme. Hier soir mes larmes ont coulé en hommage aux siennes. 

Que l'on doit se sentir désarmé lorsqu'on n'a pas de larmes. L'entendre me dire que depuis des années les larmes l'avaient déserté, laissant dans les yeux une sécheresse et dans le cœur un trop plein. J'ai pleuré pour ses larmes. En silence.

Et une larme pour ton cœur qui en a trop vécu,

Et une larme pour ton corps qui n'a pas assez eu,

Et une larme pour ton âme qui a déjà trop vu.

Dix vies en une seule, et combien de fois la mort a croisé son chemin. Combien de fois a-t-elle grincé des dents juste derrière son épaule. Et combien de superbes pieds de nez il a su lui offrir ! Dans ses yeux couleurs d'eaux, il y a bien des remous et bien des tempêtes. Mais jamais de ses yeux, même lorsqu'ils s'embrument, la pluie n'arrive à tomber.

Alors comme un appel à leur retour, comme un hymne à leur gloire, comme un discours de silences où seuls les souffles parlent, j'ai pleuré pour cet homme. Pour cette âme. Pour ce cœur. Pour ce corps. Arme-toi de patience et bientôt l'arme reviendra, et les larmes couleront à nouveau. Je prie pour qu'elles coulent pour la beauté et la bonté.

Car l'arme n'a sa plus belle utilité que lorsqu'elle défend les valeurs pour lesquelles on se bat. Et les larmes n'ont de plus belle couleur que lorsqu'elles coulent pour la joie.