Le peintre de natures mortes.

Hervé Lénervé

Les autoportraits me font chier, je vais peindre mon pied, à défaut de le prendre. Merde, j’ai les pieds noirs, à défaut de l’être.

Je vais les laver dans l'évier, car ma baignoire est pleine et ma douche occupée. Il va falloir absolument que je me mette au ménage, ça commence à sentir chez moi. L'odeur de l'essence de térébenthine mélangée à celle plus doucereuse de l'huile de lin, plus l'âcreté d'une fragrance incertaine, inconnue à ma palette. Il va falloir que je me mette à l'acrylique et que j'arrête mes mauvaises habitudes de mauvaises hygiènes de vie.

Je suis un peintre qui ne vend pas ou si peu, un peintre sans talent. Pourtant, je sais que mes toiles s'arracheront quand le public connaîtra mon histoire. Avez-vous envie de la connaître, vous aussi ? Oui ! Alors, installez-vous confortablement, servez-vous un verre, allumez-vous une cigarette, pour ceux qui boivent et fument encore et accrochez votre ceinture, on y va, c'est parti !

On sonne à l'interphone.

-         Oui ?

-         Police Nationale, ouvrez !

-         Pourquoi faire ?

-         Ouvrez ! C'est pour entrer !

-         Ah bon ! Ok, je vous ouvre alors.

Sur le palier, un flic basique en uniforme informe et une fliquette magnifique en uniforme, elle aussi, mais du sur mesure de haute couture. Je n'avais jamais vu une flic avec tous ses machins à la ceinture, flingue, menottes, bombe anti moustiques et écussons qui reste aussi séduisante, belle et gracieuse, un mystère. Je la dévisage en plan, de l'œil du peintre comme si elle était mon modèle. Modèle de toile, modèle de vie, modèle d'amour. L'autre, l'insignifiant dit.

-         Ça pue chez vous !

-         Vous trouvez, vous aussi ?

Mon modèle se bouche le nez, ravissante ! Normal, elle a la jeunesse pour elle.

-         Puissé-je vous demander, la raison de venir me faire chier, chez moi, à l'heure de la création, messieurs dames ?

-         Vos voisins se sont plaints d'une odeur incommodante sur le palier. C'était encore l'autre, le moche.

-         C'est un atelier d'artiste ici, pour les parfumeries, il faut aller à Grasse!

-         C'est joli, ça ! C'était la belle qui parlait de la toile sur mon chevalet.

-         Vous trouvez, merci !

Ce n'était pas une de mes peintures, mais une croute de nature morte dont je m'apprêtais à enduire pour réutiliser la toile et en faire une œuvre d'art, digne de ce nom.

-         Par contre, ces horreurs !

-         Oui ! Les tableaux d'un pote, il me les a laissés, faute de place chez lui.

Là, elle parlait de mes toiles. Elles font souvent cet effet-là, quand on ne connaît rien à la peinture.

-         Mais c'est monstrueux ! Oh, mon Dieu !

-         S'il vous plait, respectez le travail de mon ami.

-         Excusez-moi, ça été plus fort que ma politesse. Désolé, j'ai été surprise d'effroi par l'horreur.

-         Vous savez ce que répondit Picasso à un ambassadeur d'Allemagne quand ce dernier dit : « mais qui a fait cette horreur ? » en voyant « l'arbre de Guernica » ?

-         Non !

-         C'est vous ! répondit Picasso avec un sourire malicieux.

Un bide ! Ni le moche, ni la belle ne semblèrent comprendre. Ils n'y connaissaient rien en Picasso. Je poursuivis.

-         Alors que fait-on ?

-         On pourrait ouvrir une fenêtre. Emit la belle.

-         Certainement pas ! Vous changeriez la lumière et la lumière pour un peintre c'est la lumière !

-         Mais il fait sombre, chez vous ! Toujours la belle, le moche en profitait pour fouiner un peu partout.

-         Je suis nyctalope.

Elle rougit, elle avait dû croire que je l'insultais. Elle n'y connaissait rien en clair-obscur.

A cet instant un cri de terreur jaillit des profondeurs de ma salle de bain et des tréfonds des entrailles de l'autre farfouilleur. Il revint vers nous « échevelé, livide aux milieux des tempêtes » Je m'emporte, je m'emballe, ce doit être du Victor Hugo, ça, si je ne m'abuse, Docteur ? Il se tenait la bouche, mais réussit à vomir hors ses mains sur mon parquet déjà maculé de peinture et d'autres détritus.

-         Là, pour l'odeur, vous direz à mes voisins qu'elle vient de vos trippes, j'n'y suis pour rien !

Pour toute réponse, il sortit avec quelques difficultés, tant ses membres tremblaient, de froid peut-être, son arme de sévices et la pointa sur moi. Son beau binôme le regardait sans comprendre, elle n'y connaissait rien en coup de théâtre !

Après, tout alla très vite… On en a bientôt fini… restez, plus qu'une petite minute !

Après, menottes, commissariat, prison.

Voilà, tout cela parce que j'avais négligé mon ménage. Mais le sang, les membres découpés de mes modèles, ce n'est pas facile à nettoyer. C'est con ! Car je pensais avoir la côte avec la fliquette, j'aurais pu me l'emballer, désossée, c'est pesé ! Mais elle n'y connaissait rien en boucherie d'équarrissage.

  • Avec c'est du Miro et désossé c'est du Dali ! C'est kanmême pas compliqué non ? Avez vous pris vos cachets aujourd'hui ? :o)))

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Gaston

    daniel-m

    • Je prends toujours mon traitement ! Non, mais alors, je suis un fou responsable ! :o))

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

    • J'ai bien compris :o)

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Gaston

      daniel-m

  • Tu te prends pour Landru :) sauf que toi, tu ne les brûles pas :) j'imagine l'odeur !!

    · Il y a plus de 5 ans ·
    W

    marielesmots

    • Surtout si elle pète en se consumant :)

      · Il y a plus de 5 ans ·
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      Mario Pippo

    • M'en fous, je n'ai aucun odorat ! :o))

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

    • Non, môssieur ! C’est une règle, on ne pète pas à table ! :o))

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

  • L'atelier de Boucher ?

    · Il y a plus de 5 ans ·
    30ansagathe orig

    yl5

    • Oui ! C'est dans son atelier que j’ai appris à peindre à la découpe. :o))

      · Il y a plus de 5 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

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