L'aurore et le désir

loinducoeur

Nous sommes rentrés dans ce bar sans trop y croire. Une ambiance délavée autour de cette table isolée, deux chaises en bois verni avec vue sur la route. Tu me parles mais je regarde tes mains qui s'agitent, qui tournent et se cambrent comme sur un clavier en ivoire. Les notes de cette sonate envahissent ma tête et je ne suis plus tout à fait là. Ca me fait souvent ça quand j'écoute l'Aurore, je pense en aparté.

Tu voulais me dire que la vie d'avant nous avait sans doute rapprochés, que nous étions bien sans même le savoir. Je voulais te dire que les émotions que je ressens en touchant ta main sont aujourd'hui, bien plus qu'hier. Pourtant, je me demande si tu gardes quelque chose des moments que nous avons partagés. Enfin, si tu les as dans le coeur, pas dans un coin de ta mémoire, tu comprends. Ressens-tu encore ces vibrations ? En tout cas, ton jeu me le ferait croire aisément. Quelle actrice !

Alors on est là au bord de la route, et le décor autour de nous est devenu flou au point que je ne saurais te dire qui est derrière le bar ou si d'autres clients sont entrés ou partis. Tes mots s'évadent vers hier et me laissent en rade. Je crois que tu ne comprends pas combien j'ai envie d'avenir, combien cette flamme en moi n'est pas née d'hier. Tu pars en me laissant avec les notes. Tu souris en m'avouant avoir passé un moment agréable. Ca fait du bien de te voir, me dis-tu, en regardant la nuit dehors. Je vais rester encore un peu, si tu veux bien. Il me faut un instant pour remettre de l'ordre dans ma partition.

Plus tard, je me lève et quitte la table grise. L'endroit est vide, les verres sont abandonnés. Saisi par le froid, je pense soudain que je ne t'ai jamais dit combien j'aime l'aurore. J'hésite à courir derrière toi pour te le dire. Je sens encore le désir battre dans mes veines. L'aurore serait-elle capable de raviver ce qu'il reste de nous ?

Tu ne me répondras pas ce soir, je le sais. Je suis sorti seul de ce bar sans trop savoir pourquoi.

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