L'Aventurier

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L’AVENTURIER

Ce sont ces journées où tu te réveilles avec la peur de ne pas y arriver. Il fait mauvais même s’il fait beau, et tout est froid. Ta peau ne résiste à rien et rien ne la touche. T’installes une distance que tu ne tiendras pas. Tu le sais déjà, bien que tu la déplies quand même, juste pour faire de l’effet et ça t’emmerde…

T’enclenches aussitôt tes sourcils qui s’enfoncent dans ta mine impeccable d’inadapté social. Dans ces gestes, c’est une redécouverte de la parole qu’on voudrait agréable, mais ça ne l’est pas :

Tes premiers mots lèvent un majeur très étendu vers un ciel imaginaire, caché tout au fond du plafond forcément trop bas de ta piaule. Café, clope, herbes rares… Tu démissionnes volontiers ton système nerveux, saturé par l’idée fixe de ton incapacité à survivre correctement.

Là, droit comme un I tout seul comme un con, tu voudrais bien dire merci et tenir debout. Pourtant tu mets une musique bien lourde à fond les haut-parleurs, attendant peut-être qu’une rage soudaine se substitue au vide. 

Mais les vibrations de ton appartement ne portent rien et te tiennent en recul.

Et cette respiration dans ton dos qui te calme, dont l’habitude semble si charmante, te gerbe dessus quelque chose de joli, un mot d’amour, une attention quelconque. Oui. Peu importe.

Elle mord, elle mord et mord une troisième fois, en allers-retours concentriques au-dessus de ton cou, telle un taon immense aux ailes frétillant d’appétit, à califourchon sur ton épaule et qui pue avec cette grande trompe ensanglantée au bord du goulot de ton corps.

Tout t’est rendu insupportable, vénéneux. Tu t’insurges : l’horizon ne perdra pas son reste, tu vas le mettre à la fête !

Ton insoumission s’y cale toute fière, un doigt dans le cul se cherchant une idée. Les nuages se répètent et tes journées se confondent. Les rideaux sont tirés. Tu t’insultes, te condamnes et te relâches. Ça ne change rien. Tes choix sont déjà joués.

Tu as fini ton café. Ta clope s’est éteinte.

Ne va pas croire que les lendemains se sont plantés devant toi, dans l’hypothèse d’un avenir meilleur tout souriant et l’air niais, te regardant les attendre, embourbé comme c’est-pas-permis, pour disparaître dans le confort de tes souvenirs.

Car des souvenirs, pour l’instant, tu n’en as pas. Soit que t’es trop jeune, soit que rien ne vient.

Alors prends cette hache que le monde et la nature ont mis dans ton ventre. Et coupe tout.

C’est un moindre mal, gamin…

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