(‘Le ballon’ de Felix Vallotton) : Une partie de poker intime

whyannieis

Le ballon vole au vent dans le ciel.
Un enfant a failli laisser tomber le fil car le vent est fort.
Pour poursuivre son ballon, il court dans un parc plein de jasmin.
Mais il ne va jamais très loin. Parce que quelqu'un l'attend de loin ?
Emilie ne comprend rien à ce diaporama même si elle l’a déjà regardé plusieurs fois.

Emilie est neurologue.
Elle a fait ses études en neurosciences afin de percer les mystères du cerveau.
Elle a aidé son professeur dans son recherche sur le mémoire parce que sa capture et sa conservation l’intéressent toujours.
Son professeur a beaucoup révolutionné dans ce domaine parce qu’il a inventé un scanner pour les esprits, un appareil plus puissant que l'appareil IRM.
Grâce à ses efforts, maintenant on peut accéder à nos pensées et les filmer instantanément.
Les médecins ont autorisé de sauvegarder et d’effacer les mauvais souvenirs pour résoudre les traumatismes. 
Avec cet appareil, les médecins légistes aident la police à trouver les criminels en étudiant les pensées inconscientes des victimes.
On profite tellement du travail de ce professeur dont Emilie est toujours si fière.

Hier soir, un homme a été emmené par l'ambulance aux urgences.
Il était gravement blessé à la tête et son pronostic vital était engagé.
Mais selon les médecins de garde, il existait aussi des chances raisonnables qu’il puisse s'en sortir.
Après être sorti de la salle d'opération, l'homme s’est endormi profondément.
Un jour, deux jours, trois jours, une semaine... Le rétablissement était lent mais progressait quand même.
Malheureusement, il ne s'est jamais réveillé. 
Les médecins avaient beau expliquer son état, ils ont demandé à Emilie de s’occuper de ce cas.
En scannant le cerveau de l’homme, Emilie n'a vu qu’une seule et unique image : un enfant courant après son ballon dans le parc.
Elle a agrandi l'image et a examiné chaque pixel pour recueillir le moindre indice mais elle n'a rien trouvé.
Elle avait l’impression qu’il dormait afin de s'évader dans un lieu imaginaire.
Elle a regardé le beau visage de l’homme et elle voulait comprendre ses peines et ses problèmes.
Cependant, l’homme ne lui a jamais répondu. Il se contentait de plisser un peu les yeux, ou de trembler ses lèvres dans son sommeil interminable.
Elle a admis que c’était un cas difficile.
Soudain, son professeur lui a manqué. Elle voulait qu'il soit là, pour l'encourager.
Malheureusement, il était mort depuis presque 10 ans : il est décédé après avoir conféré le doctorat à Emilie en 2093.

Une semaine plus tard, Emilie a apporté un ballon à son patient endormi.
En arrivant dans la salle, elle a hésité derrière la porte : elle a vu une jeune femme qui jouait au poker dans la salle de son patient.
C’était vraiment un drôle de jeu : la jeune femme a mis des cartes sur le torse de l’homme.
Elle en a tiré une, et puis, elle a regardé l’homme.
Elle a hésité, et elle en a encore distribué une autre.
Tantôt elle fronçait les sourcils, tantôt elle souriait.
Elle s'est contenté de jouer seule, mais on aurait dit une partie de poker difficile.
Plusieurs tours se sont produits de cette façon et ça a beaucoup amusé Emilie.
Alors Emilie a regardé plus attentivement : en fait l’homme a joué avec la femme en acquiesçant d'un signe sans le moindre mouvement, tantôt de ses lèvres, tantôt de ses paupières.
Soudain, elle s'est rendu compte qu'elle avait manqué des choses simples depuis longtemps.
En fin, la jeune femme a récupéré les cartes. Elle a embrassé l'homme avant de partir.
Quand elle a croisé Emilie dans le couloir, elle était tout sourire.
Emilie est restée plantée là, même si son ballon s’était déjà évadé de sa main.
Il parait qu’il a gaiment flotté dans le couloir, rempli d’un parfum de jasmin.

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