Le bon Schyzophrène 1/3

A dire vrai, je ne sais pas s'il y a des bons ou des mauvais schizophrènes. Cela doit être une théorie subjective et qui dépend du contexte et de la personne. Mais dans mon cas, la question suivante s'est posée : dois-je laisser la place à mon autre moi de manière permanente ?

La première fois que j'ai eu une « absence », j'étais au lycée. Je remplissais un test de mathématiques que j'étais certain d'échouer, tant cette discipline ne m'a jamais transporté. Quand vous n'avez aucunes réponses à apporter, vous vous ennuyez, et quand vous vous ennuyez, vous vous endormez. Je me suis réveillé à peines quelques minutes après, ce qui s'apparentait le plus à une micro sieste qu'autre chose. De mon point de vue.  D'un autre point de vue, mon test de mathématiques était rempli. Je connais ces histoires d'écritures automatiques et de réflexes nerveux qui amènent à faire réagir la main en dormant, les soi-disant voyants extra-lucides qui écrivent des messages les yeux révulsés. Mais là, mon test était non seulement rempli, mais j'ai obtenu la note maximale. J'ai été convoqué par l'administration, persuadée que j'avais triché tant ma moyenne habituelle avait tendance à caresser le plancher. C'est révélateur d'un système basé sur le constat de l'échec et non de la réussite. J'ai pensé à un ami qui aurait pu remplir le test pendant que je m'assoupissais, ou d'autres théories plus ou moins farfelues. Mais la même chose s'est reproduite un an plus tard, en examen de philosophie. Comment le contrôle pourrait-il être mauvais ? Un thème qui me laissa perplexe pendant de longues minutes. Minutes pendant lesquelles je finis par m'endormir. Vous vous dites, ce type s'endort souvent et c'est bien pratique. Je répondrai : c'est mon histoire. Donc je m'endors une nouvelle fois, et je me réveille devant une dissertation pointue, évoquant Proudhon et l'anarchisme et la réfutation du bienfait du contrôle. Imaginez la tête de mon professeur. Surtout que le reste de l'année je n'ai pas été fichu de dépasser la moyenne. J'ai eu quelques doutes encore, surtout des histoires qui n'avaient pas vraiment d'importances, mais à chaque fois les mêmes éléments de l'équation étaient réunis : je bloque devant une situation, je m'endors, je me réveille, la situation est résolue. Jusque là, c'est plutôt quelque chose qui pourrait être qualifiée de super-pouvoir. Capitaine Situation. Capitaine Constat ? Bof. De toute façon, j'ai vite réalisé que ce n'était pas un super-pouvoir et que j'allais petit à petit craindre de m'endormir. N'importe où. N'importe quand. Voilà, je me suis rendu compte que non seulement un moi inconscient arrivait à résoudre les situations complexes que je ne pouvais moi même résoudre, mais  qu'en plus ce moi inconscient pouvait… parler et agir à ma place. Quelqu'un prenait le contrôle de mon corps pendant mes absences, et c'était plutôt effrayant.

Le premier exemple flagrant, fut de devoir me séparer de ma petite amie en première année de fac. J'avais le trac, je ne savais pas quoi dire, et elle était tellement gentille que je ne savais pas quoi faire. Mais je savais qu'elle allait mal réagir, que je n'aurais plus de contact avec elle et ça me faisait bien suer. Et puis un matin, je reçois un message d'elle : « Merci pour cette discussion cette nuit, j'en avais besoin, et tu as totalement raison. J'espère que l'on pourra continuer à se voir. » Là c'était clair, l'Autre avait causé à ma place, et dans le bon sens. Après tout, comment pourrais-je lui en vouloir ? Il fait les choses mieux que moi, y'a pas à dire.

Après tout, je devrais peut-être le laisser faire plus souvent. Quel mal il pourrait y avoir ?

A suivre.