Le café

Florence. Seg

C’est une densité qui relève du hasard. Tantôt épaisseur aride, tantôt filtrat couleur de terre, qui ourle la tasse en filigrane. Pour peaufiner l’élixir, il faut d’abord- selon les goûts- lui conférer sa bonhomie sucrée : on dépiaute l’arôme monobloc de son masque de papier, comme on ferait d’un paquet cadeau, et on précipite la chute. A un ou deux centimètres de la surface du liquide, l’étau se relâche et la matière revêche du cube s’étiole à mesure qu’elle sombre. Son pas suicidaire laisse dans la mousse une trace qui révèle l’aspect rauque du petit noir. Voluptueuse tragédie. Dans un souci d’équité, on immerge la cuillère en mouvements rituellement circulaires pour uniformiser la masse, et on y plonge ses pupilles avant d’y abîmer les lèvres : la surface criblée de cratères translucides donne en spectacle sa voie lactée. Faillite de l’opacité. A tâtons, on ose l’effleurement. Aussitôt, l’incandescence saisit des papilles insurgées ; mais il n’y a pas brûlure plus charnelle… et dire qu’on pensait ne jamais se faire à l’âpreté du café !

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