Le café du Paysan

charlie-cafe-journal

LE CAFE DU PAYSAN

Le froid engourdit tous les membres.Dehors déjà une fine gelée s'est installée...

- « C'est l'Hiver », s'exclame le vieil homme.

Il avait méticuleusement observé de sa fenêtre le ciel, la montagne et avait pesé du regard l'atmosphère qui se dégageait du paysage. Nous allons en effet rentrer dans cette période où les chaleureux échanges vont se durcir.

A la venue des gelées matinales il y a déjà des luttes qui s'organisent, pensais je.

Le froid est cet élément qui joue sur le comportement humain primaire et certains résistent si bien à ce froid ancestral qu'on se demande d'où ils tirent tout ce courage.

Vous grand père, vous avez cette âme qui se gaillardise à la vue des première gelées, vous vous emmitouflez dans de la laine chaude, vous savourez les gorgées brulantes de café qui réchauffe votre corps.

Comme un rituel, ce travailleur parmi tant d'autres se lève de bon matin. Il ne va pas se révolter lorsqu'il entend sa radio émettre « la France qui se lève tôt » Ce phono peut continuer à vociférer ces informations, Cela fait déjà des siècles chez les pauvres qu'on se lève pour ramener des deniers au seigneur.

Et ils les savourent ces moments où il sait qu'un jour son travail sera récompensé dans la droiture de la vie qu'il aura menée. Tout est une question de temps et le temps s'arrête dans ces chaumières, comme ce petit calendrier terni et corné suspendu au dessus de la cheminée.

Les marmelades de coings entreposées sur des étagères comme des mets exquis forment les ultimes réserves de l'hiver.

Dans un raclement de gorge qui affaiblit chaque jour le vieillard, Il quitte la cuisine en n'ayant pas omis de déposer un baiser sur mon front.

Il tire de sa veste un béret noir recousu par endroit et sortit. Il passe la porte avec le fin souvenir de la chaleur du foyer qu'il vient de quitter. Sur le seuil de la porte je le regarde s'éloigner.

Le pouvoir entre les mains, il est le peuple, il est ce peuple, il est ce prolétaire du bas, ce pauvre, ce moins que rien qui travaille et ramène des morceaux de pain à leurs bambins.

Mais une gangrène a un jour touché notre foyer. C'est dans la fraîcheur du soir quand l'homme courbé et éreinté de sa journée rentre pour le souper qu'une mauvaise maladie a frappé avec vice et sans esprit. Plongé dans un silence, ces gestes lourds témoignent toute l'application et la dureté qu'il a mis à exercer sa tâche et ça on ne lui rendra pas, on finira d'exploiter jusqu'à l'os la misère. Ce soir là je compris que la soupe au goût de campagne et ce pain durci qui se ramollit au contact de cette chaleur, c'en est fini.

Il faut les pervertir ces courageux, les éloigner de leur chemin, de leur quête du bien, de leurs principes, leur soutirer non pas leurs deniers mais leur joie de vivre, les traiter comme du bétail, les apprivoiser et les rendre maître de leur cupidité!

- « Mais cesse donc de jouer avec ta cuillère », me lance mon grand père avec ce ton rude qui transmet tout le devoir qu'il y a à se taire et à se souvenir que tous les bons temps peuvent avoir une fin.

Bientôt le café du paysan avait ce goût infâme. Il n' y avait plus dans le logis la douceur légère du linge frais , ni les douces manières de la maîtresse de maison, le cœur n'y était plus.

Quand allons nous guérir ? tout est vidé, Il ne reste que le lointain souvenir de ces jours heureux, des soupières et plats fumants pour survivre et tenter d'apercevoir encore un peu de bon sens.

Mais on ne guérit pas de l'extrême misère dans laquelle nous sommes plongés dans cette nuit qui s'installe et où seule une petite bougiecrépite..                                                                               

                                                                                                                                       C.TANZY

Signaler ce texte