Le canasson.(1)

« Si on met rien en d'ssous, y a rien qui poussera en d'ssus ! »

Mon grand-père a occupé sa retraite à fertiliser son jardin. Avec ses expériences qu'il consignait dans un journal de bord, il quantifiait en fin de saison, ses récoltes.

- Putain ! Avec les crottes de biques du Mercantour, j'ai presque cette année doublé en patates ! Et avec la merde des poules au Mathieu, j'ai fait plus de salades que mon œil !

'Mon œil', c'était le petit surnom qu'il avait donné à ma grand-mère, parce que selon lui, elle racontait à tour de bras des bobards et à longueur de journée des conneries, pour me foutre la queue basse, ajoutait-il.

- Elle veut toujours faire mieux que moi... alors elle triche sur ses récoltes ! Un jour c'est 2 fois plus de tomates grâce à son purin d'ortie ... un autre, c'est 3 courges à concours en ne les binant qu'aux étoiles... bref, elle passe son temps à me narguer, tu comprends ? Mon p'tit... quand tu seras plus grand, choisis une femme de la ville... elles sont déjà plus bandantes que celles des campagnes et elles ont des melons que même lorsqu'elles sont allongées elles ont encore des gros melons... et puis elles s'en foutent que t'aies le bout du radis qui ne pointe qu'après 3 semaines !

J'ai rencontré Betty en ayant misé par hasard sur un cheval un dimanche aux courses du prix de l'Arc de Triomphe. Je venais de faire sans le vouloir, un jack-pot sur un tocard.

- Pourquoi que tu joues le 13 ? Il n'arrive jamais le 13, m'avait dit Marc du PMU. Autant faire croire à un cochon d'inde boudeur, qu'il aura droit à 10 tours de roue supplémentaires s'il se tape le concombre !

Marc jouait les combinaisons de son Pari-Turf sans se poser plus de questions qu'un lapin devant sa carotte. Il achetait quotidiennement son magazine en pensant que le pronostic des journalistes lui donnerait, telles les dernières pages d'un mensuel spécialisé en mots croisés, la solution.

 Afin d'empocher mon fric et me faire mieux comprendre la valeur de cet argent, le service de la cellule psychologique des gains volumineux m'invita à la visite des écuries. Ça sentait fort le crottin dans le paddock, mais comme je venais de gagner, ça sentait bon pour moi.

- Vous comprenez, tout cet argent qui vient de vous tomber aussi facilement dans les poches, il est pas tombé tout cru du ciel ! Il a été cuisiné ! Il y a derrière toutes ces pépites, une équipe d'êtres humains qui entraîne, prépare et soigne l'animal à l'année ! Un hippodrome, c'est pas simplement un terrain de jeux avec des dadas montés par des gens de petite taille ! C'est pas l'atelier à Blanche-Neige, ici !

Betty n'était encore qu'étudiante en métaphysique crânienne et avait trouvé ce petit job d'été pour arrondir ses fins de mois :

- C'est quand même mieux qu'un stage de 3 semaines au Mac Do où pour améliorer tes compétences comportementales tu surveilles la cuisson d'un hamburger sans te faire un radis ! C'est pas non plus évident de trouver chaussure à son pied quand on bosse dans le milieu du sabot ! Faut savoir en décrotter plus d'un avant de pouvoir se faire une idée du métier ! Comme on dit, on fait avec ce qu'on a, hein ?

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