Le carré des indigents (3)
gordie-lachance
J’ai balancé mon gilet de laine dans un coin et je suis allé dans le fond de la cour pour ne plus les entendre. J’ai soulevé la bassine rouillée où vont boire les poules en espérant trouver quelques vers pour aller pêcher. J’aime bien la pêche, cela me calme. Les poules se sont mises à me tourner autour avec leur air idiot en espérant que j’allais leur donner des vers. J’ai enfoncé un bâton dans la terre et j’ai remué un sacré bout de temps, mais rien ne venait. Du coup, j’ai visé la poule la plus proche avec le bâton sur et je suis sorti dans la rue.
A cette heure là, les autres gars du quartier n’étaient pas encore rentrés de la foutue école. La visite chez mon père avait eu cela de bon que j’avais pu couper aux salamalecs de Mademoiselle Humbert. Je n’allais pas me plaindre. Elle non plus, sans doute.
J’ai enfoncé les mains dans mes poches et j’ai marché sans réfléchir. Le rire de ma mère résonnait dans ma tête comme une sonnerie de téléphone, aigu et agaçant. Après un long moment, mes pieds se sont mis à chauffer et je me suis senti un peu mieux (j’ai même évité un escargot au lieu de marcher dessus pour entendre sa coquille craquer comme une noix), alors j’ai décidé qu’il était temps de faire demi-tour.
Quand je suis arrivé, la nuit finissait de tomber et la maison était plongée dans la pénombre. Tout était calme, Paul avait dû rentrer chez lui. J’ai pris avec moi la lampe à pétrole de l’entrée (on nous avait coupés l’électricité deux ou trois semaines avant) et j’ai appelé ma mère. J’avais faim, et j’espérais qu’elle était encore assez fraîche pour arriver à préparer un truc à manger. Je ne parle même pas d’un repas avec une entrée et tout, un sandwich au fromage m’aurait suffi...
Pas de chance. Il n’y avait pas d’autre odeur dans la cuisine que celle des fanes de carottes moisies qu’elle avait encore oublié de donner aux poules, avec en plus un arrière-fond d’alcool. J’ai contourné la table par la gauche pour ne pas traverser la zone de ténèbres où se trouvent toujours la poubelle et le balai (rien que d’y penser me faisait dresser les poils sur les bras) et je suis passé dans la pièce qui faisait office de salon.
La lampe à pétrole projetait des ombres bizarres sur les murs. Elles avaient l’air de me guetter, attendant que la lumière faiblisse pour me sauter dessus. J’ai essayé de ne pas y faire attention et j’ai regardé droit devant.
D’abord, je n’ai rien vu de spécial. J’avançais en promenant la lampe autour de moi, comme une flamme magique destinée à éloigner les mauvais esprits.
Je continue cette lecture.... tu tiens en haleine le lecteur... toujours cette écriture sans concession, avec le réalisme du détail...
· Il y a presque 11 ans ·bleuterre
Il y a le 4 maintenant ! cordialement
· Il y a presque 11 ans ·gordie-lachance
Tu décris bien l'atmosphère d'une ferme, le coup de taper pour faire sortir les vers, la description de tout ce qui t'entoure, mais c'est clair, j'attends la suite (Au fait) je t'avais demandé si tu n'avais pas oublié la 1ère partie ? L'autre jour tu as mis en ligne l'épisode 2 ?
· Il y a presque 11 ans ·yoda