Le cauchemar d'Antoine

Alain Le Clerc

Je suis couché et j'ouvre les yeux avec l'impression d'être éveillé. La chambre est silencieuse. Je vois l'ombre des rideaux qui dansent. Quelque chose m'examine. Quelque chose de mauvais.

                                         Chapitre 1

''And I find it kind of funny, I find it kind of sad
The dreams in wich I'm dying are the best I ever had''
(Et je trouve ça assez drôle Je trouve ça un peu triste Les rêves dans lesquels je meurs sont les meilleurs que j'ai jamais eus).

- Mad World, Tears for Fears 

Ma fille est disparue le soir de son anniversaire. Un homme a été formellement accusé de son enlèvement et a été enfermé a l'institut Pinel de Montréal dans l'aile psychiatrique qui traite les déséquilibrés violents. La folie -réel ou simulé- lui a évité l'emprisonnement. 

J'avoue que je gère mal les excès de colère et la peine qui noircit toute ma vie. J'oscille entre l'espoir de retrouver ma fille vivante et la crainte qu'elle soit victime des pires atrocités. 

Depuis son enlèvement, je subis à répétition le même rêve : 

Mon rêve commence toujours avec le même étrange désarroi. Je suis couché dans mon lit et j'ouvre les yeux avec j'ai l'impression de me réveiller. La chambre est silencieuse. Je vois les ombres des rideaux qui dansent sur le sol au bout de mon lit. Un énorme sentiment d'oppression m'envahit. Quelque chose m'examine. Quelque chose de mauvais. Je suis incapable de tourner la tête pour l'apercevoir. Je suis paralysé. Je peux bouger les yeux. J'observe le plafond et la chambre dans la pénombre. 

Soudainement, mon corps se dresse et je flotte a une vitesse folle. J'arrête subitement devant un escalier en colimaçon qui descend dans la noirceur. Le Mal est juste derrière moi et ricane dans la pénombre de ma chambre. Je suis attiré vers l'escalier. Je commence à descendre lentement. La noirceur est de plus en plus opaque. Je porte une lampe frontale qui me permet de voir juste devant moi, comme une voiture qui avance dans le brouillard. Au premier palier, un petit objet rond sort du sol. Un arbre pousse rapidement et devient un lampadaire. Ma défunte grand-mère s'approche du lampadaire et me pointe quelque chose derrière moi. Elle gesticule comme une hystérique, son corps bouge en accéléré. Elle s'arrête et me fixe. Elle tente de me convaincre de rester sur son palier. Le son de sa voix est étouffé par un bourdonnement de plus en plus assourdissant. Elle se bouche les oreilles. Quelque chose m'attire vers le bas de l'escalier. Quelque chose ou quelqu'un est en danger et m'implore de venir à son aide. Je crois distinguer la voix de ma fille. Je descends les marches rapidement même si la lumière de ma lampe frontale commence à vaciller. Des sanglots étouffés me plongent dans une profonde détresse. J'ai l'impression que plusieurs bras invisibles tentent de m'attirer dans le noir. La peur augmente à chacun de mes pas. Même la lumière de ma lampe frontale semble être inutile contre la noirceur opaque. Une odeur de soufre et de pourriture parvient à mes narines. Devant moi, une faible lueur éclaire une silhouette immobile. L'inconnu est assis sur une chaise, la tête penchée vers le sol. J'avance à une vitesse folle jusqu'à la silhouette. Mon visage est juste au-dessus du sien. La silhouette ricane. Je sais au plus profond de moi que sa tête va se relever. Mon cœur se débat. Je me réveil toujours en sueur et en pleine crise de panique à ce moment précis.

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