Le Chamonix orange.(3)

Le design produit.

Katia avait constamment des maux de tête et mal au pioupiou. Elle prenait autant de remèdes effervescents qu'un joueur de dominos devant un plateau d'échecs, de pastilles de ginseng.

Katia était du genre lascive, et préférait réfléchir au lit chez elle que debout à ne rien faire.

- Quand té debout t'as les idées qui descendent dans les pieds, alors que sous le couette, ça reste sous le couette et le cheveu ! You understand Paul ?

Au travail, Katia prétextait régulièrement une cystite pour ne pas s'y rendre. De ce fait, ce jour-là, et pour cause d'une énième blennorragie au service marketing, Paul se devait de se présenter chez elle afin de lui montrer les maquettes de ses projets:

- Vous allez où Paul, ce matin ?

- Ben chez Pioupiou, chef !

Le chef de service, le Raymond comme il se faisait appeler dans son dos, parce qu'il avait plus une tronche et l'embonpoint d'un homme en politique que celle d'un produit autobronzant  serti d'une Rolex, lui fit cette remarque:

- Mais elle est pas malade la p'tite ?

- Si chef ! Mais ce qui compte, c'est quand même l'avenir du Chamonix orange, non ?

Quand on avait un raisonnement professionnel avec le Raymond, celui-ci fermait sa gueule sur la manière d'y parvenir, préférant le profit à la santé, l'argent à la modestie, et qu'il s'agisse de bien entendu, de ne pas trop faire dépenser à la boite quant à obtenir du résultat:

- Vous garderez bien la petite note du midi, avait-il ajouté.

Chez Katia, les meubles étaient dessinés avec un esprit si minimaliste que l'on pouvait voir briller la poussière dessus et sa tête dedans. Tout était laqué à la manière d'une bagnole de sport avec des sièges on ne peut plus confortable et en cuir. Ça sentait la vachette et aussi la chatte:

- Toi aussi t'as un minou, Katia ?

- Lé tout chaud ! ... veux venir le voir ?

Katia avec son petit accent Americano-Slave, ne se faisait généralement pas répéter 2 fois les choses: il suffisait de lire sur sa bouche les espaces vides entre les mots et de compléter la grille pour obtenir la bonne phrase.

- Katia, je vous ai apporté mes maquettes ! (le vouvoiement dénote ici une certaine timidité, provoqué par un afflux sanguin au taux d'hormones bien supérieur à celui d'une tablette de chocolat).

- Paul... laisse tomber les raquettes... look mon petit Léon comme lé tout doux...

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