Le château de Victoire
capucine85
Le château de Victoire
SYNOPSIS
Victoire, jeune parisienne, hérite de Kergoat, un manoir breton, légué par un grand-père inconnu. N’écoutant que son envie de néo-ruralité et son désir de découvrir ses racines familiales, Victoire s’empresse d’investir les lieux, son diplôme d’Architecte paysagiste lui permettra, croit-elle, de vivre de son travail.
Rapidement, la jeune femme découvrira que la vie de châtelaine n’est pas de tout repos : Hervé son compagnon, homme d’affaire, n’entend pas quitter Paris pour la suivre, ni s’investir dans la rénovation de Kergoat ; il se contente de venir se reposer pendant les week-ends. Bientôt, soucis et difficultés financières s’accumulent sur les épaules de Victoire et ce n’est pas Marguerite, la vieille dame originale, jadis au service de ses grands-parents, qui pourra lui venir en aide. Cette dernière, hébergée gracieusement au château, semble frappée d’amnésie dés que Victoire tente de l’interroger sur les secrets qui entourent sa famille.
Tout vieux château qui se respecte se doit de posséder son fantôme. Celui de Kergoat est un ancêtre du 18e siécle : Arnory. Irascible et libertin, il entend régner sans partage sur le domaine et ses occupants. Mais pour l’heure, il a jeté son dévolu sur sa descendante, l’assaillant « d’hommages » aussi indécents qu’inattendus.
Un soir d’hiver, en roulant sur une petite route forestière, la jeune femme heurte une petite faonne. Décidée à sauver l’animal, elle l’emmène à la clinique vétérinaire la plus proche, où elle sera soignée par le séduisant docteur Marc Perrec. Celui-ci acceptera de laisser la petite blessée vivre sa convalescence chez Victoire. Faisant fi des recommandations de Marc, préconisant de la réintroduire dans son milieu naturel, Victoire s’empresse de l’adopter comme animal familier, au même titre que son chien et la baptise naturellement Bambie.
De leur passion commune pour la faune et de la flore, naîtra une grande complicité entre la jeune femme et le vétérinaire. Bientôt, ils projettent de transformer les anciennes écuries de Kergoat en refuge, destiné à offrir une retraite heureuse à des chevaux destinés à la boucherie.
Bien qu'irrésistiblement attiré par Victoire, Marc s’efforce de réprimer ses sentiments, conscient que celle-ci est encore très attachée à Hervé, son compagnon depuis plusieurs années. Pourtant, le couple sombre dans l’incompréhension mutuelle et un mode de fonctionnement de plus en plus pervers. Victoire est partagée entre la loyauté qu’elle estime devoir à Hervé et l’attirance de plus en plus irrésistible que lui inspire Marc.
Un jour, alors que les deux amis s’affairent dans l’écurie, Hervé surgit à l’improviste, accompagné de « clients » américains. La rencontre entre Hervé et Marc est tendue. D’emblée, rivalité et hostilité s’imposent entre eux.
Manifestant un empressement aussi soudain qu’inhabituel auprès de Victoire, Hervé ne tarde pas à dévoiler ses intentions : qu’elle accepte de vendre une partie du domaine aux américains, pour le transformer en hôtel de luxe, flanqué d’un terrain de Golf.
Soutenue par Marc et Marguerite, Victoire, qui n’entend pas se laisser déposséder de la terre de ses ancêtres, refusera énergiquement l’offre qui lui est faite, mais Hervé est un homme d’affaires avisé, rompu aux négociations les plus rudes. Persuadant Victoire d’héberger le trio américain pour la nuit, il s’apprête à gagner la partie. Mais c’est compter sans le turbulent Arnory… bien décidé à prendre la défense de sa descendante et à protéger son domaine. En but à ses intentions belliqueuses, les « intrus » vont passer une nuit qu’ils ne parviendront jamais à oublier.
La nuit agitée qu’Arnory a fait passer à ses occupants, sonne le glas de la relation d’Hervé et de Victoire. Elle s’autorise enfin a laisser libre cours à son attirance pour Marc, mais plusieurs quiproquos viennent semer la pagaille dans cette histoire naissante
Quand Hervé s’avise de revenir, prêt à tout pour la reconquérir, Victoire sera tiraillée entre les deux hommes… D’autant plus que Marguerite acceptera à ce moment là de dévoiler une partie des secrets, dont elle est dépositaire et ils sont de plus en plus inattendus…
Mais peut-être qu’Arnory n’a pas dit son dernier mot…
Prologue
Depuis trois siècles, l’esprit d’Arnory, Baron de Kergoat était prisonnier de sa demeure familiale où son corps, transpercé d’une épée à l’issue d’un duel, avait été transporté à l’heure de son trépas.
Attendant le moment où son âme enfin libérée, après avoir expié ses nombreux péchés, pourrait rejoindre, là-haut, ceux qu’il avait jadis côtoyés ici-bas, Arnory occupait le temps qui lui était imparti en épiant les occupants successifs du vieux château breton. Bien que sans corps terrestre, il avait appris à mobiliser ses ressources mentales et parvenait ainsi, à force de concentration, à agir sur la matière. Cette faculté s’était renforcée au cours des décennies et lui avait permis de protéger le domaine des Kergoat d’incendiaires et autres malfaiteurs. Elle permettait aussi accessoirement à Arnory de donner libre cours à ses caprices et ses humeurs, coulant son corps ectoplasmique dans le lit des belles endormies ou terrorisant les fâcheux, qui selon lui n’avaient pas leur place à Kergoat. Noble flamboyant et querelleur de son vivant, Arnory ne s’était pas le moins du monde amendé dans l’autre vie. Se considérant comme le légitime propriétaire du château, il estimait avoir tous les droits sur ses hôtes, y compris en leur signifiant de manière plus ou moins agressive qu’ils devaient quitter les lieux.
Ces quatre-vingts dernières années, il avait vécu en bonne intelligence avec son descendant Aymerick de Kergoat, depuis son arrivée au château par une nuit d’hiver, sous la forme d’un bébé braillard et rougeaud, jusqu’au départ de sa dépouille terrestre dans un cercueil de chêne, après être devenu entre-temps un vieillard chenu, tremblotant et tyrannique. D’un esprit conservateur Aymerick s’était contenté de maintenir Kergoat en bon état et son irascible propriétaire invisible avait toléré, sans intervention intempestive, l’apport d’éléments modernes, tels l’installation de sanitaires et d’un chauffage central. Les gens étaient devenus très délicats au XXe siècle, contrairement à l’époque où s’était déroulée la vie terrestre d’Arnory. On considérait alors qu’une bonne couche de crasse protégeait la peau et que pour se réchauffer, il suffisait de s’approcher d’une bonne flambée ou d’ajouter une couche de vêtements en épaisse laine vierge, issue des moutons d’une des fermes du domaine.
Mais depuis la mort du vieil Aymerick, les choses avaient commencé à changer. Quelques semaines après l’enterrement, une jeune femme inconnue nommée Victoire Nguyen de Kergoat avait investi les lieux. Arnory avait apprécié en connaisseur la beauté de la jeune femme, la lourde masse mouvante de ses longs cheveux bruns, lisses et brillants, sa peau dorée et ses traits délicats dans lesquels on devinait une origine eurasienne. La charmante créature était de plus dotée d’une voix douce et sensuelle qu’il jugea tout à fait envoutante, tout comme ses jupes courtes découvrant une paire de jambes qui incita Arnory, tout émoustillé à la suivre dans tous les endroits de la maison, particulièrement aux moments où elle quittait ses vêtements. Pour la première fois l’esprit qui hantait Kergoat jugea que l’invention des salles de bains était une idée révolutionnaire.
Malheureusement, la belle Victoire, petite fille inconnue du vieil Aymerick, était accompagnée d’un individu nommé Hervé Charvet, dont les arrogantes manières de parvenu déplurent aussitôt à Arnory. Il fut cependant soulagé de constater que le malotru, dédaignant les vieilles pierres chargées d’histoires, les forêts et les landes brumeuses qui isolaient le château du reste du monde, préférait conserver son domicile à Paris, se contentant d’honorer de sa présence, les lieux et sa fiancée, uniquement les week-ends. Arnory pouvait ainsi se délecter, secrètement, de la jeune femme pendant le reste du temps.
A espionner le couple dans ses moments les plus intimes, Arnory fut tout de suite averti des intentions d’Hervé : Il voulait que Victoire vende le domaine des Kergoat, propriété de la famille depuis huit cents ans et revienne à Paris avec lui. Dés lors, Arnory décida d’observer l’évolution des choses et au besoin d’entrer en résistance contre les initiatives malvenues.
Chapitre 1
En regagnant le château de Kergoat, Victoire se sentait un peu découragée. Conduisant sa C3, tandis que le jour tombait sur la campagne environnante, elle repensait à la journée passée à Vannes, aux contacts professionnels qu’elle s’efforçait de mettre en place, qui jusqu’à présent n’avaient donné aucun résultat et surtout à son rendez-vous avec Monsieur Morin, le directeur de son agence bancaire, qui avait eu lieu en début d’après-midi. Ce dernier s’inquiétait, légitimement, du lent démarrage de son activité d’Architecte paysagiste, il insistait pour connaître les rentrées d’argent, sur lesquelles la jeune femme pourrait compter dans les semaines à venir. Victoire s’était sentie rapetisser, redevenant une écolière fautive mise en cause par un Proviseur. Elle s’était pourtant promis de ne pas démembrer le vaste domaine, dont elle était devenue propriétaire d’une manière inattendue, mais allait sans doute devoir se résoudre à sacrifier quelques hectares de terre pour sauver les bâtiments. Malgré la détresse que lui coûtait cette décision, elle n’avait pas d’autres moyens pour essayer de gagner du temps ; celui nécessaire à asseoir son activité et recevoir des commandes fermes. « Et dire qu’on était seulement en automne », se dit-elle en soupirant. L’hiver serait long. Elle devait absolument trouver les moyens de vivre jusqu’au printemps, période à laquelle son activité décollerait pour de bon. Dans l’immédiat, elle ne pouvait que tenter des démarches, inlassablement… même si elle ne se sentait pas vraiment une âme de commerciale. Son métier et sa passion étaient de créer des décors végétaux, mais depuis qu’elle s’était installée à son compte, Victoire déplorait de passer plus de temps à se battre avec des formalités administratives qu’à laisser libre cours à sa fibre créatrice.
La jeune femme avait pourtant toutes les capacités requises pour connaître une éclatante réussite professionnelle. Sortie major de sa promotion, d’une des meilleures écoles, elle avait approfondi ses connaissances en travaillant auprès de Bruno Barrault, le très médiatique paysagiste botaniste, toujours vêtu de vert de la tête aux pieds, qui créait des paradis horticoles autour de bâtiments de prestige dans le monde entier. Victoire avait participé à plusieurs projets internationaux et s’était attiré les félicitations du maître, prompt à distinguer les éléments les plus prometteurs des nombreux aspirants paysagistes qui l’entouraient. Munie d’un excellent curriculum vitae. la jeune femme avait obtenu sans difficulté le financement bancaire nécessaire à son projet. Seulement, la clientèle potentielle de Victoire se trouvait plutôt en milieu urbain. En s’installant à Kergoat, au cœur de la Bretagne, elle s’éloignait du microcosme professionnel que représentait la capitale et prenait le risque d’être rapidement oubliée, dans un milieu où le bouche à oreille n’était pas encore détrôné par les nouvelles technologies. Elle devait donc, en plus de son réseau parisien, trouver de toute urgence des débouchés locaux, au risque de devoir revendre Kergoat. A cette pensée son cœur se serra, elle la parisienne, petite fille d’un restaurateur vietnamien, en héritant d’un vieux château breton entouré de plusieurs hectares de prairies et de forêts, s’était découvert un patrimoine dynastique, ainsi que l’histoire d’une famille maternelle, dont elle ignorait tout six mois plus tôt. Stupéfaite d’être contactée par un notaire morbihannais, Victoire qui ne s’attendait pas à devenir un jour châtelaine, avait découvert émerveillée le petit logis renaissance en tendre pierre de tuffeau, entouré d’une enceinte médiévale en granit partiellement démolie. De la petite forteresse primitive, seules subsistaient deux tours de garde du XIIIe siècle, entourant l’emplacement de l’ancien pont-levis, la tour ouest et une partie de la muraille défensive à l’est. La principale curiosité du petit château était une petite voûte cavalière, partant jadis de la tour sud, à présent en ruines, et débouchant deux kilomètres plus loin dans la forêt au creux d’un rocher. Pour des raisons de sécurité une grille était posée à cet endroit, dont Victoire était la seule à détenir l’énorme clef de métal noirci. Kergoat n’était pas un très grand château, mais un de ces endroits plein de magie et d’histoires qui peuplent les provinces françaises…