Le cocu merveilleux.

Hervé Lénervé

Ceci n’est pas ma vie, ni l’avis de ma femme.

Attends, ma chérie, si tu crois que j'ignore, que tu me trompes tous les jours et cela depuis des années. Voyons, crois-tu, que je sois assez crédule et sot, pour ne pas savoir, fée comme tu es, que des princes charmants, toujours renouvelés et changeant, ne se sont pas pressés à tes pieds pour quémander un seul de tes baisés, pour presser sur leurs lèvres avides tes lèvres délicates.

Qui serais-je, moi pour prétendre avoir réussi à t'enfermer, dans une cage rouillée, par la seule force de mon amour et par quelles qualités humaines, aurais-je pu effacer tant de tentations légitimes à ta grâce.

Quelle est cette Eve qui aurait répondu : « non, messieurs, tout ceci ne m'intéresse pas ! Passez votre chemin et n'y revenez plus, messieurs ! J'ai tout ce qu'il faut à la maison, je ne croquerai pas la pomme APPLE ! Je reste dans mon petit jardin d'Eden de banlieue pavillonnaire. » Je ne les connais que trop, tous ces colporteurs, ces beaux parleurs, dans leurs plus beaux atours toujours à la mode des villes, grâce à nos sponsors préférés. Roulez en Renault, c'est la liberté qu'il vous faut.

Aussi, bien entendu, je ne t'en veux plus, mon amour et si j'ai souffert, que serait, donc, ma pauvre peine face à la magnificence ensorceleuse de tes sourires qui irradient aux plus hautes passions.

Non, ma chérie, n'est de crainte, mon fusil, REMINGTON automatique à trois cartouches, n'est pas chargé. S'il est un coupable, ici, c'est bien de moi qu'il s'agit, toujours ici, pour avoir eu la folle présomption de tenir tête à l'attraction tellurique que tu suscites alentour dans le cœur des troubadours.

N'est de crainte, mon amour, je suis le seul coupable de cette tragédie et je m'en repends en me répandant à tes pieds pour en supplier le pardon. Ton pardon ! Quitte-moi, mon adorée, je n'étais pas digne de te mériter. Toujours en moi, je garderai le souvenir ému de nos tendres émois. Ô, comme il fut doux d'être l'ombre de ton élégance ! Ô, combien il me fut chère d'être ton cher. Monoprix n'est pas hors de prix ! Revenez-y ! Ô, mais qu'entends-je ? Ô, mais qui toque ainsi,  à l'huis de notre humble demeure ? Serait-ce, lui, ton nouvel amant venant te délivrer sur son beau cheval blanc. Je te libère, mon trésor ! J'enlève ta camisole et tes menottes ! J'arrache les clous de tes mains, de tes pieds, plantés grâce à STANLEY le plus beau des marteaux. Va, coure, vole lui ouvrir la porte et tes bras, je ne te retiens pas. Sois heureuse !

Mais, tu n'y va point, aurais-tu encore peur de mes points. Il est vrai que tes liens te retiennent serrés au radiateur. Tu sanglotes à présent, torturée par le remord ou par la douleur de mes coups répétés sur ta frêle constitution. On ne peut savoir ces choses-là, nous simples garçons, nous ne savons que nous emporter dans des gestes inadéquats, inappropriés, inconsidérés et brutaux. C'est notre façon atavique d'exprimer notre attachement.

Voilà, tu t'es de nouveau endormie, assommée par mon discours. Tu ne réponds plus, es-tu évanouie ? Je vérifie !

Merde ! Tu es morte, il ne manquait plus que cela. Ah, ces filles, toutes les mêmes, dès que l'on discute un peu, elle préfère se pâmée ou mourir. Chacun sa façon de fonctionner. Nous, on ne sait que taper…sur nos ordinateurs LENOVO, ceux qu'il vous faut sans faute.

Finalement ce n'était pas ton amant qui tambourinait comme un forcené à la porte ou alors, il a une drôle de façon de s'annoncer : «  Ouvrez ! Police ! » Ce ne serait pas très subtil !

Que dirai-je aux policiers, sinon que le coup est parti tout seul, que je ne pensais pas avoir mis une cartouche dans le magasin LA VIE CLAIRE, le bio, à portée de mains des manchots.

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