Le Cor des Alpes pour les Nuls

jean-claude-besson

Un panorama complet sur un instrument de musique étonnant par sa taille, son timbre particulier et qui apporte autant de mystère et de fascination que de sérénité et d’apaisement.

Sommaire


Partie 1 – Les origines de la musique, des trompes et du cor des Alpes 

Chapitre 1 : Au commencement  était la voix, et de la voix naquit la musique
Chapitre 2 : Histoire des trompes, des origines à la période classique.
Chapitre 3 : A la recherche des traces du Cor des Alpes dans l'Histoire
Chapitre 4 : Au-delà de l'Histoire, la légende du cor des Alpes


Partie 2 : La fabrication de l'instrument


Chapitre 5 : Fabrication primitive à partir d'un jeune sapin.
Chapitre 6 : La facture actuelle, de l'artisanat à un début de robotisation.
Chapitre 7 :.Différentes matières essayées dans l'Est de la France (tôle, verre, cristal)
Chapitre 8 : L'irruption des matériaux composites, entre nouveauté et perplexité.


Partie 3 : Le répertoire et les sonneurs


Chapitre 9 : Les airs traditionnels et folkloriques
Chapitre 10 : Musique concertante et symphonique
Chapitre 11 : Musiques du monde Jazz, Blues, Rock, etc…
Chapitre 12 : Ces musiciens que l'on appelle « sonneurs »


Partie 4 : Vous en mourrez d'envie, eh bien jouez maintenant


Chapitre 13 : Comment se procurer un instrument
Chapitre 14 : Le premier son (Si tu ne joues qu'une seule note, quelle soit la plus belle)
Chapitre 15 : L'échelle des notes et les sons non tempérés. Entendre dans sa tête
Chapitre 16 : Notions de solfège et les 10 commandements du cor Cor des Alpes


Partie 5 : Le cor des Alpes, un art de vivre !


Chapitre 17 : Sentiment de plénitude, Développement personnel
Chapitre 18 : Jouer dans les grands espaces, avec l'écho
Chapitre 19 : Les groupes : trio, quatuor, et plus, association à l'orgue, etc…
Chapitre 20 : Musicothérapie


Introduction


Il existe des instruments de musique qui aiguisent la curiosité du public et le cor des Alpes est à ranger dans cette catégorie. Beaucoup de personnes en ont entendu parler, l'ont déjà approché ou aperçu fugacement au détour d'une émission de télévision, mais bien peu pourraient en dire davantage et restent avec leurs questions insatisfaites. Cet ouvrage se propose d'apporter des explications détaillées pour assouvir votre curiosité et, à votre tour, vous donner peut-être envie de souffler dans ce cor pastoral et devenir, pourquoi pas, un sonneur de cor des Alpes accompli. 

 

Depuis quelques décennies, descendant de son milieu naturel, ces « cathédrales de la terre » que sont les hautes montagnes des Alpes, cette sorte de trompette primitive et ancestrale se donne à voir et à entendre auprès d'un plus vaste public. Au premier abord, sa taille semble démesurée et le son qui en sort ne peut être confondu avec nul autre timbre connu. La possibilité même de moduler des sons sur plusieurs octaves sans l'aide d'autre artifice que les lèvres du musicien, tout ceci étonne et interroge dès la première audition.

Le timbre du cor des Alpes ne laisse jamais personne indifférent ; le son à la fois doux et puissant, empreint de sensibilité et qui touche au plus profond de l'âme, laisse une impression unique, indéfinissable. Le timbre est magnifique, ample, intense, émouvant et certaines notes, sonnent étrangement aux oreilles de nos contemporains peu habitués aux sons non-tempérés

La vision de cette gigantesque trompe provoque d'emblée l'étonnement car il s'agit du plus grand instrument de musique portable au monde, d'une longueur dépassant 4 mètres dans sa tonalité la plus grave. Il suscite aussi une foule de questions : comment peut-on faire autant de notes avec un simple tronc d'arbre évidé ? Car on ne peut imaginer un instrument de musique plus simple, un long tube conique en bois, sans trous, ni clefs, ni pistons, se terminant par un pavillon courbé. Il n'y a aucun artifice, seulement le musicien qui est l'émetteur des vibrations et le cor des Alpes qui est l'amplificateur ; c'est le savoir-faire et l'habilité du musicien qui aboutiront à l'essor de mélodies construites sur une échelle de 12 à 13 notes !

Le cor des Alpes, ou Alphorn dans les régions germanophones et sans doute devrait-on dire « cor des alpages » puisque une « alpe » désigne un pâturage d'été en haute montagne, est, à l'origine, l'instrument des bergers qui convoyaient et gardaient les troupeaux en altitude. Son utilisation, à cette époque, visait au rappel des troupeaux, le soir dans la montagne, et contribuait à calmer le bétail pendant l'orage. Il était également un moyen de communication pour annoncer d'une vallée à l'autre les nouvelles (en montagne, avec le vent pour allié, les sons peuvent porter à 10 ou 15 kms) et tout naturellement, il a donné naissance à un répertoire musical original. Il a également fasciné les compositeurs qui ont eu la chance de l'entendre et l'on retrouve des thèmes d'appel de cor des Alpes chez Léopold Mozart, Beethoven, Rossini, Berlioz ; Brahms a même développé le dernier thème de sa Iére symphonie autour d'une mélodie entendue au cor des Alpes lors d'un séjour en Suisse.

            D'autres questions reviennent fréquemment lors de rencontres avec des auditeurs ; comment fabrique-t-on un cor des Alpes et avec quel bois ? où peut-on en acheter un et est-ce cher ? Voilà d'autres interrogations auxquelles cet ouvrage se propose d'apporter des réponses précises.

            Il est aussi un autre point, rarement abordé concernant le cor des Alpes, qui touche au bien-être personnel que peut apporter la pratique régulière de l'instrument ! Une amie suisse me confiait récemment que l'une de ses connaissances s'était vu conseiller par son médecin genevois, de prendre des leçons de cor des Alpes et de jouer détendue pour prévenir un début d'entrée dans un état dépressif ! On cite aussi un psychiatre allemand des environs de Munich qui, dans sa clinique, jouait le dimanche avec sa famille pour calmer ses malades. Sans doute s'agit-il d'une voie à explorer dans le cadre de la musicothérapie, et accessoirement un moyen de faire baisser les dépenses de la sécurité sociale ? Plus prosaïquement, l'expression musicale, sans instrumentation sophistiquée mais seulement le souffle, procure un sentiment de calme de plénitude de sérénité et de confiance en soi dans un monde instable et tourmenté. Le sonneur, en inspirant profondément puis rejetant l'air intensément, s'épanouit en soufflant dans cette grande «pipe» en bois ; il n'est pas rare de ressentir une douce euphorie après avoir joué un certain temps en pleine nature.

            Pour résumer de façon plus poétique cette courte présentation, il suffit de citer les dernières phrases de « La légende de l'origine du Cor des Alpes » relevées dans le Calendrier Zurichois de 1874 :

            …Res le berger découvrant le cor des Alpes devant sa porte, le porta à sa bouche et après avoir joué quelques notes et marqué une pause, il entendit la musique répercutée par l'écho, telle la voix d'un esprit.

            En bas, dans la vallée, surpris par ces sons merveilleux, les gens se demandèrent si les montagnes s'étaient mises à chanter.

            C'est ainsi que la musique vint aux hommes avec la sagesse et la sérénité…


Partie 1 – Les origines de la musique, des trompes et du cor des Alpes 


Chapitre 1 : Au commencement  était la voix, et de la voix naquit la musique


A partir du moment où l'homme primitif a recherché la compagnie de ses semblables et a essayé de survivre en groupe dans une nature inconnue et hostile, le besoin de communiquer s'est imposé. Sans doute des bribes de langage gestuel ont constitué les premiers échanges, mais l'expression vocale a accompagné immanquablement les débuts de la communication humaine. Bien que l'homme préhistorique disposât déjà de l'équipement vocal et respiratoire qui lui aurait permis de parler, il ne possédait pas encore le développement cérébral qui lui aurait permis l'accès à la parole. Selon les dernières recherches sur l'origine du langage, on pense que, durant longtemps, l'homme s'est exprimé par mélopées avant de savoir parler. En ce sens on peut dire que le chant est antérieur au langage dans l'évolution humaine, et affirmer, avec les disciples grecs de Pythagore six siècles avant notre ère, que la musique constitue le premier langage universel.

Dans les échanges psalmodiés/chantés avec ses semblables, l'homme a nécessairement associé des émotions à ses différentes interactions externes et elles se sont « engrammées » dès l'origine dans notre cerveau archaïque. C'est par exemple une explication à notre extraordinaire faculté qu'ont certaines chansons ou mélodies d'éveiller nos souvenirs les plus enfouis et les plus secrets. Une étude récente, réalisée au laboratoire de psychologie de l'université d'Angers le confirme, un souvenir ravivé par une musique est toujours plus chargé en émotions qu'un autre lié au silence.

            L'autre élément constitutif de la musique et qui contribue à son universalité est le rythme. Tout est mouvement et rythme dans la vie, à commencer par les battements du cœur et, naturellement, les tempos usuels en musique sont significativement synchrones avec les fréquences de battement du cœur (entre 40 et 180 par minute). Les tempos lents calqués sur les battements lents du cœur incitent au calme, à la méditation, les tempos rapides au dynamisme, voire à l'agitation ! La musique met en jeu les deux hémisphères du cerveau, le cerveau gauche prend en charge le rythme, tandis que la mélodie et l'harmonie sont du ressort du cerveau droit !

            La primauté de la voix et donc du chant dans la naissance de la musique ainsi que la charge émotionnelle liée au timbre et aux inflexions de la voix étant établies, une longue période s'est écoulée avant que la musique ne puisse être considérée comme un art.

            Tout d'abord un art primitif ; de moyen de communication  humaine dans un rôle d'alerte devant les dangers, il a accompagné le développement cérébral et la possibilité d'accéder aux croyances et honorer ou implorer les dieux. Le chant est devenu une activité sacrée auprès des prêtres, dans les lieux de culte. Puis la nécessité d'accompagner et de soutenir le chant a amené à concevoir des bâtis avec des cordes vibrantes plus ou moins longues. Les « cordophones » telle la lyre ont ainsi constitué les premiers instruments d'accompagnement du chant.

             Revenons à Pythagore, connu de tous les élèves pour son célèbre théorème, et qui a inauguré les premières études sur la musique six siècles avant J.C. Les pythagoriciens s'intéressaient avant tout à l'arithmétique ; pour eux, tout sur terre pouvait être expliqué par les nombres. L'idée de base est de s'intéresser uniquement à la hauteur des sons, d'en considérer un nombre limité que l'on ordonne du plus grave au plus aigu et de n'utiliser que ces sons pour faire de la musique (on parle alors d'échelle musicale). Les pythagoriciens utilisent le monocorde, instrument rudimentaire constitué d'une caisse de résonnance sur laquelle on a fixé une corde tendue entre 2 chevilles fixes. Un chevalet permet de faire varier la longueur de corde que l'on fait vibrer (comme une corde de guitare actuelle où l'on fait varier la longueur en déplaçant le doigt sur le manche). A tension égale, plus la longueur de corde est petite et plus le son est aigu. Lorsqu'on place le chevalet au milieu de la corde, les deux moitiés donnent le même son, elles sonnent à l'unisson. Chacun de ces sons ressemble étrangement au son de la corde entière, mais en plus aigu, on appelle alors « octave » l'écart avec le son initial, soit un rapport arithmétique de1/2. Si on place le chevalet aux deux tiers de la corde, on remarque que le son produit par le plus grand morceau de corde sonne agréablement bien avec le son fondamental que donne la corde prise en entier. L'intervalle entre ces deux sons constitue la quinte qui correspond au rapport de longueur de 2/3. En continuant à rechercher la quinte de la quinte et ainsi de suite (en multipliant par deux les bouts de corde qui sortent de l'octave), les pythagoriciens vont construire une échelle musicale avec cinq sons. C'est l'échelle pentatonique que l'on retrouve à travers le monde entier ; (on la qualifie même de gamme « chinoise » !). C'est la gamme que l'on joue sur les touches noires du piano.

L'échelle de Pythagore est fondée uniquement sur un intervalle de quinte, mais plus tard, d'autres recherches ont conduit à l'enrichir avec un nouvel intervalle. Toujours avec le monocorde, si l'on place le chevalet au cinquième de la corde, le son du petit bout de corde se situe entre le son fondamental et sa quinte supérieure et le nouvel intervalle est la tierce majeure qui jouée avec la fondamentale et la quinte donne l'accord parfait majeur considéré comme particulièrement mélodieux. Pour déterminer les notes de l'échelle, plusieurs calculs ont abouti à des intervalles un peu différents, et les problèmes de transposition (changement de fondamentale) faisaient-sonner faux les instruments à son fixe (le clavecin par exemple).

            Pour résoudre cet obstacle et rendre plus simple l'harmonie, Werckmeister vers la fin du XVIIème siècle proposa une subdivision de l'octave en 12 intervalles égaux, chaque ton et demi-tons ayant rigoureusement le même écart. C'est le tempérament égal auquel nos oreilles occidentales actuelles sont parfaitement accoutumées.

            Cet exposé court et indispensable a pour but de mieux comprendre l'essence de la musique et le caractère non tempéré du cor des Alpes.


Chapitre 2 : Histoire des trompes, des origines à la période classique.

La première "trompe" naturelle a-t-elle été un coquillage ramassé ou une corne d'animal évidée, dont un homme de la préhistoire a un jour eu l'idée d'utiliser la cavité comme porte-voix, inventant tout à la fois le premier instrument de musique, la première sirène et le premier mégaphone !

 

Comme pour beaucoup d'activités humaines, après avoir utilisé pour outils et instruments les éléments trouvés dans la nature, l'homme a cherché à construire ou fabriquer de nouveaux outils et en imaginer de nouvelles utilisations. La corne d'animal a donné naissance à la famille des cors (coniques), un petit tronc d'arbre cassé, débarrassée de sa moelle, à la famille des trompettes (cylindriques).

 

L'un des plus anciens aérophone retrouvé et daté est le didjeridoo qui provient des Aborigènes australiens. Le didgeridoo est, à l'origine, un tronc d'eucalyptus trouvé dans la nature et creusé par les termites. D'une longueur de 1 à 2 mètres, avec une embouchure façonnée en cire d'abeille, il émet principalement des vibrations sonores et est destiné à entrer en relation avec les esprits. Il ne crée pas de musique au sens occidental du terme, mais on peut légitimement le considérer comme la toute première trompette !

 

La fabrication par l'homme d'instruments est postérieure à l'âge du bronze (environ 3.000 ans avant notre ère). Deux trompettes antiques, l'une de bronze, l'autre d'argent furent trouvées dans la tombe de Toutankhamon (on les a datées de 1.400 ans avant J.C.). Les cors, de perce conique, plus difficiles à façonner mais faciles à prélever dans la nature (cornes d'animaux ou coquillages), seront fabriqués artisanalement plus tard.

 

Le plus souvent limités à 2 ou 3 sons, les trompettes et cors antiques étaient utilisés pour les services religieux ou les proclamations impériales, mais surtout comme instruments militaires. Leur bruit assourdissant visait à terrifier l'ennemi, comme le Carnyx des Celtes qui se dressait au-dessus de la tête des chevaux avec pour pavillon une hure de sanglier possédant parfois une langue en bois articulée que l'air expiré faisait vibrer avec un bruit épouvantable. Les trompettes étaient indispensables pour transmettre, dans le brouhaha des combats, les ordres des stratèges. On les retrouve sous différentes appellations dans les légions romaines, Tuba, Buccin ou le Cornu de forme semi-circulaire tenu par une tige en bois le faisant ressembler à la lettre G, et le Lituus dont la forme est peut être une ébauche du futur cor des Alpes, à savoir un tube terminé par un pavillon recourbé.

 

La Bible mentionne les trompettes de Jéricho tournant autour de la ville assiégée jusqu'à l'effondrement des murailles. Il s'agit du Shofar, une corne de bélier avec une embouchure grossièrement façonné sur la plus petite extrémité. Il ne permet guère de produire qu'un son, mais entre sons longs et sons saccadés, il peut émettre différents signaux. Cet instrument est toujours utilisé depuis l'Antiquité dans le rituel religieux israélite ; une corne de koudou, plus longue, est parfois employée au Yémen ou en Ethiopie.

 

Lors des Jeux Olympiques de la Grèce antique, l'art de sonner la Salpinx (la trompette des Grecs) a fait partie des disciplines olympiques. Il y avait 3 classements : le son le plus fort (avec le plus de décibels), le son le plus aigu et le son portant le plus loin. On ne se préoccupait pas de musicalité, mais seulement de performance physique ! Dans l'Iliade, Homère décrit le son de la Salpinx comme aussi terrible que le cri d'Achille, et, plus tard, Aristote le comparera au braiement d'un âne !

 

La chanson de Roland, au XIème siècle, magnifie le courage du neveu de Charlemagne à  Roncevaux et évoque le cor (l'olifant) qui au prix d'un effort physique surhumain appelle à l'aide en ces termes : « Rollant ad mis l'olifan a sa buche, empeint le ben, par gant vertu le sunet (il l'embouche bien, le sonne avec grande force). Hauts sont les monts et longue la voix du cor, à trente lieux elle se prolonge. Avec douleur, avec si grand effort, le preux Roland sunet sun olifan. Par sa bouche le sang jaillit clair. Sa tempe se rompt, la voix de sa corne se répand au loin ».

 

Les trompes primitives, reléguées aux activités liées à la guerre et au religieux sont encore limitées par rapport aux instruments comme la flute, la lyre, l'hydraule (ancêtre de l'orgue) offrant une palette sonore plus délicate et capables de reproduire toutes les notes de l'échelle harmonique. L'émission du son dans un cor ou une trompette requiert un souffle et des capacités physiques provoquant l'admiration des peuples qui magnifiaient la force brute mais, limitées à quelques notes, les trompes étaient restreintes pour la création musicale. De nos jours, c'est un peu le cas du clairon qui exécute uniquement les sonneries militaires avec 4 notes en tout et pour tout.

 

D'un point de vue physique, les trompes suivent les lois acoustiques qui régissent les tuyaux ouverts. Elles émettent uniquement les harmoniques d'un ton de base et les premières harmoniques sont d'abord très écartés et c'est seulement en montant dans l'aigu que l'on produit de plus en plus de notes. Mais pour jouer sur plusieurs octaves donc monter vers l'aigu,, la longueur du tuyau est primordiale : un tuyau trop court ne permet que 2 ou 3 notes.

 

A une époque où, en Europe, il était encore hors de question que l'on construise des tubes de métal minces et coniques sur une grande longueur, les cors pastoraux confectionnés à partir d'un petit tronc d'arbre, dès le bas moyen-âge, devenaient musicalement très supérieurs aux cornes et coquillages !

 

Les trompettes droites en s'allongeant étendaient elles aussi leurs possibilités ; mais ce sont les progrès de la facture instrumentale à la fin du XVIème siècle, qui permirent en repliant le tube d'obtenir des instruments de grande longueur utilisables confortablement par le musicien. La trompette naturelle du baroque avec un tube de 2m24 replié 2 fois, ne représente plus qu'un instrument de 75 cms à tenir horizontalement devant la bouche !

 

Le jeu dans l'aigu des trompettes nécessitait un embouchement très astreignant, car nécessitant, selon les considérations de l'époque, « un souffle plus fort et une contraction plus marquée des lèvres et des dents »

 

La dernière mutation technologique qui fit des cors et trompettes des instruments capables de jouer tout le répertoire musical est l'invention des pistons (1815) qui aboutit aux instruments que l'on connaît aujourd'hui, mais là commence une nouvelle histoire.


Chapitre 3 : A la recherche des traces du Cor des Alpes dans l'Histoire

Il est impossible de dater précisément les premières traces d'un instrument de musique en bois utilisé dans les massifs alpins qui a évolué vers le cor des Alpes que nous connaissons actuellement.

            A une époque où il était encore hors de question de construire des tubes de métal minces et coniques, on peut supposer qu'un jour, un berger ingénieux eut l'idée d'utiliser un tronc de sapin évidé pour en tirer des sons. Vers la même époque, on rencontre divers variétés de cors pastoraux, de taille étroite et de forme conique légèrement courbes en Pologne, Autriche, Saxe, Bavière... Et l'on trouve également des instruments à vent rappelant le cor des Alpes dans d'autres parties du globe, Balkans, Amérique du Sud, Afrique, sans oublier les célèbres trompes tibétaines.

A l'époque romaine, Tacite mentionne une trompette primitive utilisée dans les régions alpines, qu'il qualifie de «cornua alpina». On rapporte que Jules César, lors de la conquête des Gaules, fut très impressionné par les trompes des montagnards, capables d'envoyer des signaux sur de grandes distances. Sur le site archéologique suisse d'Orbe-Boscéaz, dans le canton de Vaud, on a découvert une mosaïque datant du second siècle après J.C., représentant un jeune homme soufflant dans une corne d'environ 80 cms

Au Moyen-Age, le moine Ekkehard IV, du couvent de Saint-Gall dans le Valais suisse, parle d'une « Tuba Alpina » qui est utilisée par un berger pour regrouper ses bêtes. Le moine Babulus, économe dans le même couvent, note une aumône de deux « batz » faite à un « valaisan » avec son cor des Alpes. On a retrouvé dans les ruines du château de Freiberg une trompe recourbée, datant de cette époque. Mais là aussi, la longueur de la trompe n'excède pas 1 mètre, et cependant, la technique de fabrication est celle toujours utilisée de nos jours pour fabriquer un cor des Alpes, c'est-à-dire deux moitiés creusées séparément et assemblées avec de l'osier.

Au XVI ème siècle la description la plus proche du cor des Alpes, tel que nous le connaissons aujourd'hui, date de 1555 . Le naturaliste suisse Conrad Gessner décrit un cor des Alpes qu'il appelle "lituus alpinus", long de onze pieds (environ 3 mètres), formé de deux longues pièces de bois recourbées, évidées et assemblées l'une contre l'autre par de l'osier. Son utilisation, à cette époque, visait au rappel des troupeaux, le soir, dans la montagne. Il était également un moyen de communication pour annoncer d'une vallée à l'autre les nouvelles (en montagne et avec le vent pour allié, les sons peuvent porter à 10-15 kms). Mais la plupart des cors, à cette époque, sont de longueurs variables souvent plus courts que le cor entendu par Gessner dans la région du Pilate (au-dessus de Lucerne).

Au XVII ème siècle, Michael Praetorius, compositeur et théoricien de la musique allemend, raconte que des armaillis (bergers) sans travail l'hiver descendaient mendier dans les villes allemandes avec de longues « trummet ». Il décrit de longues trompettes droites en bois ligaturé avec une fibre prélevée sous l'écorce (liber).

Au XVIII ème siècle, Jean-Jacques Rousseau évoque dans ses écrits sur la musique le fameux " Ranz des vaches " qu'il était interdit de chanter chez les mercenaires suisses enrôlés au service du roi de France, sous peine de mort, car il suscitait tant de nostalgie, qu'il les poussait à déserter. Chaque canton suisse avait son propre Ranz des Vaches, mais aujourd'hui, le « Ranz des vaches des Alpes de Gruyère du Canton de Fribourg » est devenu le morceau traditionnel le plus emblématique et le plus joué par les cors des Alpes

Au XIX ème siècle, Brahms note un fragment de mélodie entendu sur le Righi (relevé sur une lettre envoyée à Clara Schumann avec ces mots …voilà ce que le cor des alpes a joué ce matin …). Il en fera même le motif principal du 4ème mouvement de sa 1ère symphonie ! Wagner, Strauss, Beethoven  et d'autres, s'inspirent du son et de la puissance d'évocation des mélodies de cors pastoraux. Léopold Mozart avait déjà écrit une "Sinfonia pastorella" pour cor pastoral et Beethoven dans sa propre Symphonie Pastorale avait employé des thèmes d'appel du cor des Alpes. On relève chez Wagner, Strauss (Daphné) Rossini (Guillaume Tell), Berlioz (Symphonie fantastique), Liszt (Album d'un voyageur, livre III), des traits de cors des Alpes. Dans la littérature, Alphonse Daudet dans " Tartarin sur les Alpes " (1885) parle de façon amusante du sonneur de cor des Alpes «…. au bas du perron, un joueur de cor des Alpes mugissait sa plainte modulée, un monotone ranz des vaches à trois notes, avec lequel il est d'usage sur le Rigi, de réveiller les adorateurs du soleil … » et caricature avec humour le sonneur « … le joueur de cor des Alpes, vieux, barbu, chapeau pointu… » !

Au XX ème siècle : Après une éclipse, la tradition du cor alpin connaît un renouveau, en Suisse d'abord, où il est devenu un symbole patriotique, mais aussi dans les pays alpins, et même jusqu'au Canada, voire au Japon ! Dans le domaine de la musique orchestrale, des compositeurs contemporains, Etienne Isoz, Jean Daetwyler, Férenc Farkas, se sont mis à composer directement pour cet instrument, en l'associant à l'orgue, à l'orchestre de chambre, ou à l'ensemble symphonique.

Depuis le milieu du XXème siècle, avec l'amélioration de la fabrication des instruments et surtout la construction systématique d'instruments calibrés pour jouer dans les mêmes tonalités, des groupes de sonneurs se constituent en Suisse, mais aussi dans toutes les régions alpines, des Alpes provençales jusqu'en Autriche et en Allemagne, également dans le Jura, les Vosges et  particulièrement l'Alsace où existait déjà une tradition du cor des Alpes remontant au XIXème siècle.

Et au XXIème siècle ?

Le cor des Alpes, tout en gardant de nombreux adeptes de la tradition et du folklore, s'aventure dans un jeu et des compositions plus audacieuses, utilisant la gamme mineure et les délicats tons « naturels » (non-tempérés, comme le si bémol et le fa dièse du cor) et s'ouvre  sur les musiques du monde.

  • Bjr
    Oui je suis trompettiste depuis 8 ans après 40 ans de stand bj et je mes suis us à la trompette de cavalerie depuis 1juin 2017 ds une batterie fanfares ayant découvert l’instrument naturel j’ai basculé sur le cor des alpes en septembre
    J’y trouve beaucoup de satisfaction mais j’ai aussi beaucoup de travail
    Merci
    Bonne journée

    · Il y a presque 6 ans ·
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    Jean Paul Tessiereau

  • et la suite?
    Je n'ai pas trouver le moyen de dépasser la partie 1?
    Je ne suis pas doué avec internet...

    · Il y a presque 6 ans ·
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    Jean Paul Tessiereau

    • Bonjour,

      Ce texte a été rédigé pour un projet de publication dans la collection "pour les nuls" avec un cahier des charges propre à cette collection. J'envisage, avec des modifications, de le proposer à d'autres éditeurs. Je garde en réserve le reste du manuscrit pour des raisons de confidentialité compréhensibles.
      Jouez vous du cor des Alpes ? Bourgoin c'est déjà l'entrée vers les Alpes !
      Cordialement
      Jean-Claude

      · Il y a presque 6 ans ·
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      jean-claude-besson

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