"Le dîner,effet de lampe"

mchristine

Un dîner qui se déroule presque...au parfait...devant l'enfant en attente...TITRE: "Un dîner...parfait"

Un dîner...parfait

« On ne met pas les mains sous la table, mon enfant ! »

La voix, légèrement embrumée de la mère semblait conclure ce dîner qui n’en finissait pas, au contraire de ce vin de terroir accompagnant le plat.

« Comme ce minois est sage et souriant !» déclara le cousin Georges.

Sous la lampe, sa face rougeaude encerclait le visage de la fillette muette et songeuse.

« Comme cette enfant est sotte! » répliqua la mère devant le sourire béat de la demoiselle.

Le père finissait sa mouillette.

L’assiette étant claire, face à leurs pérégrinations de vocabulaire banal, il prit l’air réfléchi qui se devait, un air de petit bureaucrate philosophe et vaniteux qui s’enorgueillit de penser avant de s’exprimer, lui :

« Sotte et sage à la fois, elle ferait une bonne épouse et vous seriez tranquille cousin Georges…Elle n’a que huit ans, Mais attendez quelques années...Dix, douze, pas plus. Les Sœurs, Marie Chantal de la Recouvrance, le meilleur pensionnat qui soit dans notre région, finiront son éducation de bonne ménagère. Tenez, je suis sûr, de plus, que derrière son air niais pourrait se cacher un jour des promesses d'autres fariboles! » 

« Mon ami, arrêtez, vous avez trop bu! La petite vous entend! »

Le regard de l’innocente s'accrochait à la moustache du gros garçon, qu'une mouche voleuse achevait de butiner entre la sauce du ragoût et les miettes du pain, faisait tourner l'abat- jour et ses chats. Ils voletaient dans la lumière tamisant ces pensées immodestes : Mère Marie Chantal le répétait souvent : « Souriez jeunes filles, souriez, mais ne riez point, ce serait vulgaire et grossier pour vos invités »

« Faudra- t- il encore sourire longtemps vers ce balourd au front miroitant sous l’éclairage, avant l’échappatoire du dessert tant attendu.

Les chats de la lampe l’auraient- ils dévoré dans la cuisine ?

A moins que ce ne soit cette grosse silhouette qu’on a voulu mettre à table face à moi…les chats, eux, ont de jolies moustaches toutes propres »

Elle se retint de pouffer, garda ses lèvres closes sur son silence de ravi.

« N’aurons- nous que ces fruits et ces noix ? Maman semble avoir oublié le gâteau…et moi qui me suis retenue de manger pour mieux goûter ce que Nanon préparait en secret et qui m’a réjouie tout ce temps trop long ! »

Un parfum orange et chocolat imprégnait légèrement son petit nez attentif. Attente. Espoir futile et fugitif.

Son regard aurait étonné par un semblant d’éveil si la mère ne l’avait chassé brusquement :

« Vous n'avez rien mangé ma fille, vous n'aurez pas de dessert, allez, levez- vous ma chérie, embrassez le cousin Georges et retournez dans votre chambre »

Et vous, mon ami, sonnez la bonne, qu'elle nous apporte enfin le Parfait!

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