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lina221078

An  trois mille trois cent trente- trois, trois janvier, treize heure trente-trois. Je suis dans la peau de mon double : un être robotique programmé pour effacer de mon cerveau toute forme  de pensée alternative. Mon robot s’appelle Antra, mais je revendique mon identité humaine. Ca fait dix ans que je suis enfermée dans la peau de mon robot qui me connecte vingt-quatre heures sur vingt-quatre à la toile. J’ai dérogé à leur règle, comme souvent, en pensant. Les êtres vivants ne pensent plus: ils effectuent des tâches commandées par nos supérieurs. La plupart d’entre eux est raisonnable mais moi, ils m’ont catalogué «déviante ». D’autres sont dans mon cas mais ils nous interdisent de nous parler à travers nos écrans. Je ne peux parler qu’aux être dits « supérieurs » car raisonnables. Les sous-êtres comme moi sont destinés à être enfermés toute leur vie dans leur robot. Je ne parviens pas à déjouer leur plan. Alors j’écris, je tente de laisser une trace de ce millénaire totalitariste. Ils tentent de m’en empêcher en procédant à des fouilles quotidiennes dans mon ordinateur et des attaques de virus pour détruire tous mes documents. Mais je continue à diffuser mes textes sur la toile en espérant que quelqu’un d’irrationnel tombe dessus. En vain. Ils détruisent tout avant que mes semblables puissent rentrer en communication avec moi. J’imagine que d’autres êtres inférieurs vivent le même cauchemar. Qui finira par gagner cette guerre entre ceux qui ont pris la direction de la toile et les inférieurs que l’on fait taire ?

Les êtres raisonnables n’ont pas besoin de leur robot pour se connecter non-stop au web. Ils croient en l’absolu pouvoir de nos dirigeants, qu’ils n’ont jamais croisés, et qui communiquent avec nous via un langage de programmation. Dès tout petit, on nous connecte peu à peu à internet et on apprend à obéir aux Araignées-gendarmes comme je les appelais, enfant. Mes parents ont tout fait pour que je fasse partie des supérieurs, mais dès que j’ai su écrire, ma pensée a vagabondé vers des chemins que les autorités ont vite décelées. Je ne me connectais pas assez souvent, mon langage de programmation divulguait mon originalité et les censeurs du net m’ont dénoncé aux grandes instances. Si bien qu’ils ont créé un robot pour accueillir mon corps et mon âme. Je ne suis plus qu’une machine. L’écriture est mon seul remède contre la folie, qui vaut la peine capitale. Je continue de pratiquer le langage de mes ancêtres que j’ai appris à travers la toile. Car les supérieurs ne peuvent pas tout contrôler. Il y a encore des sites codés où l’on accède à la pensée des êtres humains il y a des siècles. D’autres enfants doivent encore avoir cette curiosité. D’autres enfants seront bientôt reclus dans leur double, comme punis de leur audace. Le pouvoir n’en a pas fini de faire souffrir les minorités.

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